Kim Jong-Un a annoncé mardi mettre sur pause le projet nord-coréen de tirer des missiles près du territoire américain de Guam, les principales puissances impliquées dans ce dossier semblant vouloir jouer l'apaisement.
Aux yeux de certains analystes, ces commentaires du dirigeant nord-coréen constituent une possible porte de sortie pour désamorcer la crise alimentée par la guerre des mots entre le président américain Donald Trump et la Corée du Nord.
Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson, traditionnellement très mesuré dans ses propos, a réaffirmé dans la foulée qu'il ne fermait pas la porte à un éventuel dialogue. "Nous sommes toujours intéressés par la recherche d'une voie vers le dialogue, mais cela dépend de lui", a-t-il affirmé au sujet de Kim Jong-Un.
La Corée du Nord a menacé la semaine dernière de tirer quatre missiles au-dessus du Japon en direction de l'île de Guam, dans le Pacifique-ouest, où se trouvent deux importantes bases militaires américaines.
Le jeune dirigeant nord-coréen a été informé de ce "plan visant à cerner Guam par le feu" en inspectant lundi le commandement de la Force stratégique chargée des unités balistiques, a rapporté mardi l'agence officielle nord-coréenne KCNA.
Avant de donner l'ordre de le mettre à exécution, Kim Jong-Un a toutefois déclaré qu'il allait "observer encore un peu le comportement idiot et stupide des Yankees". S'ils "persistent dans leurs actions irresponsables et dangereuses dans la péninsule coréenne", la Corée du Nord prendra des mesures "telles que déjà annoncées", a-t-il ajouté.
"Afin de désamorcer les tensions et d'empêcher un dangereux conflit militaire dans la péninsule coréenne, il est nécessaire que les Etats-Unis décident les premiers une option appropriée", a-t-il poursuivi.
Il semblerait que Kim Jong-Un ait fait référence aux exercices militaires conjoints annuels à grande échelle entre Séoul et Washington, qui doivent commencer prochainement.
"Je n'ai pas de réponse à ses décisions pour l'instant", a réagi le chef de la diplomatie américaine, qui répondait brièvement à une question de la presse en marge d'une présentation à Washington.
- 'Eteindre le feu' -
Autre signal d'une volonté de désescalade, la Chine, principal allié de la Corée du Nord, a estimé mardi qu'il était temps de revenir à la table des négociations.
Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, s'est entretenu par téléphone avec son homologue russe Sergueï Lavrov pour évoquer comment "sortir de la spirale de confrontation sur la péninsule coréenne", selon un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères.
Pékin et Moscou ont appelé "toutes les parties impliquées, avec le soutien de la communauté internationale, à se diriger vers la mise en place d'un dialogue", d'après le ministère.
"Ce que nous espérons désormais, c'est que toutes les parties impliquées, dans leurs paroles et leurs actes, puissent contribuer à éteindre le feu des tensions actuelles, plutôt que de jeter de l'huile sur le feu", a de son côté souligné Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Auparavant, plusieurs dirigeants, dont le président chinois Xi Jin-Ping, avaient déjà appelé Washington et Pyongyang au calme.
Le président sud-coréen Moon Jae-In a souligné, également mardi, que Séoul voulait à tout prix éviter une nouvelle guerre.
- 'Désescalade' -
La Corée du Nord a proposé dans le passé un moratoire sur ses essais nucléaires et tests de missiles en échange de l'annulation des exercices militaires conjoints entre Séoul et Washington.
Un compromis soutenu par la Chine mais rejeté régulièrement par les Etats-Unis et la Corée du Sud, qui affirment que leurs manoeuvres sont purement défensives et ne peuvent être mises en relation avec les ambitions nucléaires de la Corée du Nord, qui violent une série de résolutions de l'ONU.
Certains analystes jugent que le numéro un nord-coréen est en train de proposer le même compromis, avec en plus dans la balance la menace sur Guam.
"C'est une invitation directe à parler de freins réciproques aux exercices et aux tirs de missiles", a estimé Adam Mount, expert du cercle de réflexion Center for American progress, à Washington.
Pour John Delury, professeur à l'Université Yonsei de Séoul, "Kim Jong-Un est en train d'opérer la désescalade, il met Guam de côté pour l'instant", a-t-il dit sur Twitter .
Les tensions n'ont cessé de s'aggraver depuis que le Nord a testé en juillet deux missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) qui semblent mettre à sa portée une bonne partie du territoire américain.
En réaction, Donald Trump a menacé la semaine dernière de déchaîner sur la Corée du Nord "le feu et la colère, d'une manière que le monde n'a jamais vue".
Pyongyang a alors répliqué en rendant public son plan pour tirer des missiles de portée intermédiaire qui s'abîmeraient à 30 ou 40 kilomètres de Guam. L'île de 162.000 habitants, équipé d'un bouclier anti-missiles Thaad, abrite des installations stratégiques américaines.
La dernière annonce nord-coréenne a été saluée mardi à Guam, où les autorités se sont dites "follement heureuses" que "Kim Jong-Un ait reculé".