Pendant ce confinement sélectif jusqu'au 20 avril, les autorités sanitaires envisagent la désinfection "massive" de la commune résidentielle de Gombe, tout à la fois siège du gouvernement, de plusieurs banques et grandes entreprises, et des principales ambassades.
Dès lundi matin, des check-points sécuritaires et sanitaires ont matérialisé la frontière entre la très prospère "République de la Gombe" et le reste de la "cité", une ségrégation sociale qui existe dans les esprits depuis la colonisation belge, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Venus du reste de la ville, des professionnels disposant d'un laissez-passer délivré par l'Hôtel de ville ont patienté aux trois barrières érigées par les autorités sur le boulevard Huileries, un des principaux points d'accès à Gombe.
"Je travaille à l'Institut national de recherche bio-médicale (INRB, en première ligne face au Covid-19). J'ai mis plus de deux heures à attendre, mais je ne me plains pas parce que cette maladie est très mortelle", a dit à l'AFP Jérôme Lumosi, 35 ans, en provenance d'une commune voisine.
De l'autre côté des points d'accès (une dizaine en tout), la commune était complètement déserte, avec tous ses commerces fermés, y compris les grands supermarchés fréquentés par l'infime minorité des Kinois qui ont les moyens d'y faire leurs courses.
Surnommée "la République de la Gombe" par un ambassadeur de France, pour décrire l'entre-soi des élites et des riches expatriés qui y vivent, la Gombe ne regroupe que 100.000 à 200.000 habitants, sur les 10 à 12 millions de la plus grande mégapole d'Afrique francophone, dont l'immense majorité vivent au jour le jour, dans le secteur informel.
"Le choix de cette commune est lié au fait que c’est à partir de Gombe que le virus se répand petit à petit dans les autres communes", ont rappelé lundi les autorités sanitaires dans leur bulletin quotidien, qui fait état de 161 cas confirmés, dont 18 décès, cinq personnes guéries. Sept nouveaux cas confirmés ont été enregistrés à Kinshasa.
A partir du 10 mars, les premiers cas confirmés ont été enregistrés à Gombe, souvent parmi des Congolais de retour de l'étranger, dans l'entourage même du chef de l’État Félix Tshisekedi.
Un conseiller du président est décédé, de même que deux proches d'une ministre elle-même contaminée, ont indiqué plusieurs sources.
Pendant le confinement partiel de la Gombe, les équipes sanitaires doivent rechercher "les personnes malades, les contacts à risques et les cas symptomatiques" dans tout Kinshasa.
"Les personnels de maison, notamment les chauffeurs, les sentinelles, les jardiniers, où seront détectés des cas positifs à Gombe seront suivis dans leurs communes de résidence pour passer au dépistage et les cas positifs seront isolés", précisent les autorités sanitaires.
"Une désinfection massive est également prévue pendant cette période. Les bureaux et les principaux bâtiments se trouvant dans la commune de Gombe sont concernés. Une fois que tout sera nettoyé à la Gombe, les autres communes seront attaquées", ajoutent-elles.
Des cas ont aussi été enregistrés dans l'est de la RDC, à Goma, Beni et Bukavu, des villes également isolées. Le trafic de bateaux sur le lac Kivu entre Goma et Bukavu -et l'île d'Idjwi- a été suspendu.
Dans le Rwanda voisin de Goma et Bukavu, le gouvernement a décidé que tous les ministres et hauts fonctionnaires "devront renoncer à un mois de salaire" en avril par "solidarité" des autorités avec le peuple, dans un pays qui a imposé un confinement strict pour limiter la propagation du coronavirus.
En Ouganda, les autorités ont envoyé plus de 100 personnes en prison pour deux mois pour avoir violé le couvre-feu en vigueur face au virus.
Jusqu'à présent épargné, le Soudan du Sud a déclaré son premier cas dimanche, et l’Éthiopie a annoncé ses deux premiers décès.
La pandémie pourrait avoir des conséquences catastrophiques en Afrique, comme la perte de 20 millions d'emplois ou la hausse de l'endettement, selon une étude de l'Union africaine publiée lundi.
L'Afrique subsaharienne compte 5.067 cas officiellement déclarés pour 118 décès, d'après le dernier pointage de l'AFP lundi à 11H GMT. Le continent redoute une propagation du virus qui mettrait à mal ses fragiles structures sanitaires.