Lors d'une audience téléphonique qui a duré un peu plus d'une heure, un avocat de l'administration Trump a assuré à trois juges d'appel fédéraux, qui semblaient parfois sceptiques, que le président était dans son droit avec ce décret, motivé par des craintes sécuritaires, et qu'il devait être réinstauré.
La session, suivie en ligne par 137.000 personnes à travers le monde, s'est terminée sans décision mais celle-ci devrait être prise "dans la semaine" selon un porte-parole de la Cour.
L'audience de mardi n'examinait que la suspension décidée vendredi par un juge de Seattle du décret du 27 janvier, qui interrompt aussi le programme d'accueil des réfugiés aux Etats-Unis pour 120 jours et indéfiniment pour les Syriens.
L'examen de la constitutionnalité du décret fait l'objet d'une plainte des Etats de Washington et du Minnesota avec le soutien de nombreux groupes de défense des immigrés.
Lors de l'audience à la Cour d'appel de San Francisco mardi, August Flentje, conseiller spécial du département de la Justice, a assuré que le décret "était tout à fait dans les pouvoirs du président (...) et est constitutionnel".
"Le président a estimé qu'il était nécessaire de réévaluer les pratiques en vigueur pour examiner les demandes de visa de la part d'étrangers" et a donc opté pour une suspension "temporaire" de l'entrée aux Etats-Unis de pays considérés par le gouvernement et le Congrès américains comme abritant un grand nombre de terroristes, a poursuivi M. Flentje.
'Dommages irréparables'
Selon lui, la décision du tribunal de Seattle "outrepasse le jugement du président sur le niveau de risque (terroriste) acceptable".
Interrogé sur les preuves du gouvernement sur les liens entre les pays incriminés (Iran, Irak, Yémen, Syrie, Libye, Somalie et Soudan) et le terrorisme aux Etats-Unis, il n'a toutefois pas donné d'exemples précis.
"C'est abstrait", a notamment répliqué le juge Richard Clifton.
M. Fentje a aussi contesté la légitimité de l'Etat de Washington dans ce litige: "à travers le pays il y a beaucoup de plaintes, des gens qui sont touchés par ce décret", mais "les Etats ne peuvent se mettre à la place de leurs citoyens".
"Je ne suis pas sur que je convainc la Cour", a peu après laissé échappé M. Fentje.
De son côté, le représentant de l'Etat de Washington, Noah Purcell, a rappelé que la Justice a pour but de "contrôler les abus de l'exécutif" et que ce rôle n'a "jamais été aussi important".
Selon lui, réinstaurer le décret "remettrait le pays dans le chaos". Le décret a été suivi de nombreux retards et annulations de vols et de manifestations massives partout aux Etats-Unis.
Il a ensuite noté que le gouvernement n'avait pas démontré de "dommages irréparables" que pourrait engendrer la suspension temporaire du décret.
A l'inverse, l'Etat de Washington, a-t-il énuméré, a eu à cause du décret "des étudiants et professeurs coincés à l'étranger, des familles qui ont été séparées, des résidents de longue durée qui ne peuvent voyager car ils ne savent pas s'il seront en mesure de revenir, nous avons des pertes de revenus...".
'Nuire aux musulmans'
La question la plus délicate à laquelle il a eu à répondre portait sur l'accusation de discrimination religieuse appliquée au décret alors que les pays visés représentent "moins de 15%" des musulmans dans le monde.
M. Purcell a répliqué qu'il n'était pas nécessaire, pour prouver la discrimination religieuse, que le décret "ne nuise qu'aux musulmans ou à tous les musulmans. Nous avons seulement besoin de prouver qu'il est motivé en partie par le désir de nuire aux musulmans".
Le président Trump, a-t-il détaillé, s'est dit "en faveur d'une interdiction d'entrée des musulmans" sur le territoire américain lors de sa campagne électorale et l'un de ses conseillers "a dit à la télévision qu'on lui avait demandé de mettre en place une (version) plus étroite de cette interdiction qui serait légale".
Le président Trump avait, avant l'audience, répété mardi que le décret était "très important pour le pays" afin de le protéger du terrorisme. Il avait multiplié au cours du week-end les tweets incendiaires visant le juge James Robart de Seattle.
Donald Trump n'a pas exclu que l'affaire remonte jusqu'à la Cour suprême.
Si elle était saisie, il faudrait une majorité de cinq juges sur huit pour renverser la décision de la cour d'appel. Ce scénario est loin d'être acquis, la plus haute instance judiciaire américaine étant actuellement divisée entre quatre magistrats conservateurs et quatre magistrats progressistes.
Avec AFP