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L'Algérie veut réformer son généreux système de subventions généralisées


Des employés de la ville installe le drapeau algérien et un poster du président Abdelaziz Bouteflika, à Alger, en Algérie, le 26 avril 2016.
Des employés de la ville installe le drapeau algérien et un poster du président Abdelaziz Bouteflika, à Alger, en Algérie, le 26 avril 2016.

Confrontées à la chute des prix du pétrole, les autorités algériennes envisagent de réformer un système social universel et généreux, jusqu'ici réputé intouchable. Une réforme que certains économistes jugent indispensable, mais que d'autres estimant inutile voire socialement dangereuse.

Héritage de l'économie administrée adoptée par l'Algérie à son indépendance en 1962, ce système s'appuie sur deux piliers.

D'une part, les 'transferts sociaux', des prestations sociales qui permettent à tous les Algériens, quels que soient leurs revenus, de bénéficier d'une éducation et de soins gratuits, mais aussi notamment de logement extrêmement bons marchés.

D'autre part, des subventions aux produits et services de base (pain, semoule, sucre, huile, eau, électricité, gaz, transports...) qui se sont substituées dans les années 1990 au contrôle des prix. Répercutées sur les prix en magasin ou sur la facture d'énergie, elles profitent à tous les Algériens, riches ou pauvres.

Dans son 'plan d'action' présenté le 20 juin devant les députés, le nouveau Premier ministre Abdelmajid Tebboune, a annoncé "une adaptation progressive" des subventions et transferts sociaux "à travers un ciblage précis".

En d'autres termes: une modulation des subventions et transferts sociaux en fonction des revenus.

Car à l'heure de la chute des prix du pétrole, qui assure 60% des recettes budgétaires, le système actuel grève les finances publiques. La loi de Finances 2017 alloue 13,3 milliards d'euros aux subventions et transferts sociaux, soit 23,7% du budget.

Début 2016, le gouvernement a déjà dû augmenter le prix de l'essence et d'autres produits énergétiques, pour la première fois depuis 2005.

Mustapha Mekideche, vice-président du Conseil national économique et social (CNES), estime indispensable des "subventions ciblées", subventions et aides représentant environ 15% du PIB chaque année.

S'il est extrêmement généreux, le système est néanmoins injuste, car il favorise mécaniquement ceux qui consomment le plus: les plus riches.

"Les 20% d'Algériens les plus riches consomment six fois plus de carburant que les 20% les plus pauvres" et "les subventions à l'électricité profitent aussi de manière disproportionnée aux riches", aux maisons vastes et climatisées, soulignait en 2016, Andrew Jewell, économiste au FMI.

Le ciblage des subventions est "une excellente mesure", estime aussi l'économiste Abderrahmane Mebtoul, qui fut expert auprès de l'ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal. Car au nom de la justice sociale, "riches et pauvres ne peuvent pas bénéficier des subventions au même titre".

Sans compter les autres effets pervers de ces subventions généralisées: gaspillage et contrebande vers les pays voisins.

Fiscalité 'magnanime'

Les autorités ont longtemps hésité à s'attaquer à ce système qui, via la manne pétrolière, permettait d'acheter la paix sociale.

En 2011, dans la foulée des "printemps arabes", une flambée des prix des produits alimentaires avait provoqué des émeutes en Algérie, calmées à coups de mesures sociales que permettait un cours du brut naviguant autour de 120 dollars, contre 45 aujourd'hui.

Fin 2015, le précédent gouvernement avait déjà évoqué un ciblage des subventions. Un projet resté sans suite, qui n'a pas que des partisans.

"Si une bonne partie des Algériens n'a pas basculé dans la précarité, c'est grâce à la politique sociale" actuelle, souligne Nouredine Bouderba, expert en questions sociales, qui préfèrerait un "ciblage" des dépenses de l'Etat.

Le train de vie de l'Etat "ne souffre pas de la crise", remarque cet ex-dirigeant syndical, "des projets non prioritaires comme la grande mosquée d'Alger ont été maintenus alors qu'un projet de cinq hôpitaux a été gelé".

L'économiste Abdelatif Rebah doute, lui, de la faisabilité d'un "ciblage" des subventions, dans un pays dépourvu d'outils statistiques fiables et où environ 50% de l'activité économique est informelle.

Il préconise de s'attaquer plutôt à "un système fiscal très magnanime envers les fortunes et les patrimoines", source de "manque à gagner criant" pour l'Etat.

Différents projets d'impôt sur la fortune en Algérie n'ont jamais abouti, même si le Premier ministre a indiqué ces derniers jours y réfléchir de concert avec une exonération des impôts pour les bas revenus.

Une éventuelle limitation des subventions devra s'accompagner d'une revalorisation des salaires, estime M. Rebah. "S'il faut aller vers la vérité des prix, il faut également aller vers la vérité des salaires", les plus bas de la région, martèle l'économiste, qui voit dans cette réforme "un libéralisme de choc".

Le Premier ministre, lui, a tenu à rassurer en présentant son projet: "L'Algérie était et restera une République sociale".

Avec AFP

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