Avant son transfèrement "arbitraire", M. Yekatom "a été torturé, à ses dires, et a reçu des coups de crosse et de kalachnikov dont il porte encore des traces à son pied droit, comme l'a constaté l'équipe médicale du centre de détention de la CPI", a déclaré son avocat Xavier-Jean Keïta.
"Il s'agit d'une violation de ses droits fondamentaux selon lui", a affirmé son avocat, faisant référence aux allégations de "torture".
"Vous soulevez un problème très important et nous ne pouvons pas traiter cela de façon orale. Il faut des écrits. A ce stade, nous ne pouvons pas discuter de cette question ni la résoudre", a répondu Antoine Kesia‐Mbe Mindua, juge président, avant de fixer la date de l'audience de confirmation des charges au 30 avril 2019.
La première comparution de M. Yekatom, député centrafricain et ex-chef de milices antibalaka, autoproclamées d'autodéfense, intervient une petite semaine après son transfèrement historique à La Haye, où siège la CPI.
Il a été remis à la Cour en exécution d'un mandat d’arrêt délivré le 11 novembre pour sa responsabilité pénale présumée dans des crimes de guerre et crimes contre l'humanité qui auraient été commis dans l'ouest de la Centrafrique entre décembre 2013 et décembre 2014.
C'est le premier transfèrement vers la CPI depuis l'ouverture de l'enquête sur la Centrafrique en septembre 2014.
Durant l'audience vendredi, Alfred Yekatom, un homme de petite taille et aux cheveux courts, s'est présenté aux juges en s'exprimant en sango, langue centrafricaine.
M. Yekatom, 43 ans, a entendu les charges portées contre lui, dont des accusations de meurtre, déportation, torture, persécution, emprisonnement, notamment. Il a indiqué avoir seulement pris connaissance de celles-ci une fois arrivé au centre de détention de la CPI, à La Haye.
"On ne m'a rien dit" au moment de l'arrestation, "j'étais à l'Assemblée nationale, il y avait un petit souci là-bas. On m'a arrêté et on m'a amené ici", au centre de détention de la CPI, a déclaré l'ex-chef de milice, vêtu d'un costume gris et d'une cravate rayée.
"Rambo"
La faction d'Alfred Yekatom, comme les autres milices antibalaka, s'était formée après 2012 quand la coalition à majorité musulmane de la Séléka a entamé sa campagne meurtrière depuis le nord du pays vers Bangui et renversé le président François Bozizé en 2013.
M. Yekatom était notamment recherché pour avoir dirigé une attaque à Bangui le 5 décembre 2013, lorsque son groupe armé de fusils, de grenades et de machettes a attaqué des musulmans, tuant entre 6 et 13 civils, selon le mandat d'arrêt.
"Rambo", comme il était surnommé, ancien caporal-chef de l'armée centrafricaine, a selon l'ONU "exercé le contrôle direct d'une douzaine de points de contrôle tenus en moyenne par une dizaine de miliciens armés portant des uniformes et équipés d'armes de l'armée, notamment des fusils d'assaut militaires".
La CPI a, elle, affirmé qu'il dirigeait "environ 3.000" combattants et estime qu'il pourrait être tenu pour responsable de "meurtre", de "torture et traitements inhumains", de "mutilations", d'"attaques intentionnelles contre la population civile" et contre des bâtiments religieux.
Depuis 2012 et le début de l'offensive qui a abouti à la prise de Bangui par l'ex-coalition de la Séléka, la Centrafrique est le théâtre de violences quasi quotidiennes qui ont forcé un quart des 4,5 millions d'habitants à fuir leur domicile.
Une mission onusienne de maintien de la paix, la Minusca, est déployée depuis 2014 et, prenant la suite d'une intervention militaire française, tente de préserver les civils.