L'ancien rival d'Hillary Clinton aux primaires présidentielles démocrates, en 2016, en avait fait le coeur de son projet de "révolution". Hillary Clinton avait rétorqué qu'une nationalisation du financement du système d'assurance santé était irréaliste, elle-même préférant promouvoir une réforme graduelle du système actuel, enchevêtrement de responsabilités privées et publiques.
Un an après, face aux problèmes d'Obamacare, la réforme démocrate adoptée en 2010, l'idée d'une remise à plat a séduit une partie de la nouvelle garde démocrate, ces sénatrices et sénateurs qui réfléchissent à se présenter à la présidentielle de 2020: Kamala Harris, Cory Booker, Kirsten Gillibrand... auxquels s'ajoute Elizabeth Warren, vénérable sénatrice du Massachusetts, idole de la gauche de la gauche.
Ils soutiennent la proposition de loi que Bernie Sanders, un indépendant "socialiste" apparenté au groupe démocrate, présentera mercredi au Sénat. Elle n'a aucune chance d'être adoptée, ni même débattue, dans un Congrès contrôlé par les républicains.
Mais les démocrates préparent ainsi le terrain idéologique, dans l'optique d'une alternance en 2020.
"La santé doit être un droit, pas un privilège", a argué la New-yorkaise Kirsten Gillibrand, 50 ans.
Pas moins de 16 des 48 sénateurs du groupe démocrate soutiennent l'initiative, considérée comme si radicale au moment des débats sur Obamacare, en 2009, qu'elle avait été rapidement marginalisée par la majorité alors démocrate.
"C'est une idée dont l'heure est venue", estime le sénateur Richard Blumenthal.
- La gauche prépare l'avenir -
Les Américains sont couverts pour les risques maladie par des assurances privées, souvent via leurs employeurs, ou par l'Etat fédéral pour les plus modestes (programme Medicaid) ou les plus de 65 ans (Medicare).
C'est justement Medicare, institution sacrée en Amérique, que Bernie Sanders propose d'élargir à toute la population. Les soins resteraient assurés par le privé en majorité, mais cotisations et remboursements passeraient par le public, comme dans de nombreux pays européens.
Obamacare, loi emblématique de l'ère Obama, n'a pas remis en cause l'architecture du système mais augmenté les aides publiques et renforcé les protections, faisant progressivement baisser le nombre d'Américains sans assurance à environ 10% des moins de 65 ans.
La majorité a tenté cette année d'abroger Obamacare, en vain, échouant en raison de l'opposition de républicains modérés.... et déclenchant la colère de Donald Trump.
Mercredi, un groupe de sénateurs républicains a lancé une ultime tentative pour tenir cette promesse de campagne... avant la date-limite de fin septembre, fin de l'année budgétaire.
"Je veux dire aux républicains qui trouvent que nous ne nous sommes pas assez battus, que vous avez raison", a asséné le sénateur Lindsey Graham. "Je ne suis pas prêt à abandonner".
Les démocrates, cependant, s'inquiètent de voir Obamacare sabotée par l'administration Trump, qui a fortement réduit les campagnes de promotion et certaines subventions.
Pour les chefs de l'opposition, la priorité est de protéger les acquis de la loi de 2010; ils gardent donc leurs distances avec Bernie Sanders, afin de s'aménager un espace de dialogue avec la majorité.
Surtout, ils entendent reconquérir la Chambre aux législatives de novembre 2018, ce qui passe par la reconquête de circonscriptions qui ont majoritairement voté en faveur de Donald Trump l'an dernier. Dans celles-ci, mieux vaut être perçu comme un démocrate modéré que comme un lieutenant de "Bernie".
"Ils sont en train de commettre la plus grave erreur de leur vie", analyse l'élu républicain Tom Cole. "Mais j'ai l'impression que leur parti va dans cette direction".
Hillary Clinton n'a pas changé d'avis, quant à elle. En pleine promotion de son livre sur sa défaite, elle a redit que la proposition du sénateur Sanders ne serait pas crédible tant qu'elle ne serait pas chiffrée.
"La réalité est que (...) c'est quelque chose qui fait peur aux gens", a-t-elle aussi souligné, lors d'une interview avec le site Vox.com.
Avec AFP