Aucun incident notable n'était rapporté depuis samedi soir dans les bidonvilles de Nairobi et l'ouest du pays, théâtres d'affrontements violents mais sporadiques entre manifestants munis de pierres et policiers lourdement armés, après l'annonce vendredi de la réélection du président Uhuru Kenyatta, 55 ans.
Ailleurs, l'activité reprenait dans les rues de Nairobi, où les habitants se rendaient normalement dans les églises pour la messe.
Au moins 16 personnes ont été tuées entre vendredi soir et samedi soir - neuf dans les bidonvilles de Nairobi, dont une fille de 9 ans, et sept dans l'ouest du pays - selon un nouveau bilan établi par l'AFP de sources policières et hospitalières.
"Nous avons trois corps qui ont été emmenés à la morgue principale de Kisumu. Nous en avons aussi un à Homa Bay, un à Migori et deux à Siaya", a annoncé à l'AFP dimanche un responsable de la police en poste dans l'ouest du pays, ayant requis l'anonymat.
Cette flambée de violence a entraîné une mobilisation de la communauté internationale appelant à la modération.
Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a lancé un appel au candidat défait Raila Odinga pour qu'il "envoie un message clair à ses supporteurs afin qu'ils s'abstiennent de recourir à la violence". L'Union européenne et Londres ont également appelé à la modération tout en félicitant M. Kenyatta pour sa réélection.
Tous ont enjoint l'opposition de faire valoir ses récriminations par les voies légales, une option qu'elle a pour le moment écartée après avoir saisi en vain la Cour suprême en 2013.
La colère des partisans de l'opposition avait éclaté à l'annonce de la victoire de M. Kenyatta, avec 54,27% des voies, sur son rival Raila Odinga (44,74%), au terme d'un scrutin pourtant annoncé serré par les instituts de sondage.
'Nous voulons entendre Raila'
La coalition d'opposition Nasa maintient que M. Odinga a remporté le scrutin dont le résultat officiel est selon elle le fruit d'une manipulation électronique du système de transmission et de décompte des voix utilisé par la Commission électorale, et censé précisément prévenir les irrégularités. L'opposition a écarté de saisir la Cour suprême après l'avoir fait, en vain, en 2013.
"Nous ne nous laisserons pas intimider, nous ne renoncerons pas", a asséné samedi après-midi Johnson Muthama, l'un des hauts responsables de la coalition.
Dimanche matin à Mathare, un des bidonvilles de Nairobi les plus affectés par les violences, des commerçant rouvraient timidement leurs échoppes et policiers et manifestants avaient déserté les rues, selon un journaliste de l'AFP.
"Nous voulons entendre Raila. Nous voulons entendre ce qu'il a à dire. C'est lui qui nous guidera. S'il nous dit d'aller dans les rues, nous irons dans les rues. S'il veut qu'on reste à la maison, nous resterons à la maison", expliquait Humpfrey Songole, un coiffeur de 25 ans à Mathare.
Raila muet
M. Odinga, qui à 72 ans livre probablement sa dernière grande bataille après ses trois précédents échecs à la présidentielle (1997, 2007, 2013), s'est muré dans le silence depuis vendredi soir.
Au moins 11 personnes ont été tuées depuis vendredi, selon un bilan établi par l'AFP de sources policières et hospitalières: neuf personnes ont été tuées dans les bidonvilles de Mathare, Kibera et Kawangware, dans la capitale, dont une fille de neuf ans, et deux autres près de Kisumu (ouest) et dans le comté voisin de Siaya.
La répression menée par les forces de sécurité a été implacable, même si le ministre de l'Intérieur, Fred Matiangi, a certifié samedi que la police n'avait pas fait un "usage disproportionné de la force" et imputé les violences à des "éléments criminels qui ont tenté de prendre avantage de la situation, en pillant et détruisant des propriétés". M. Matiangi a assuré que "la sécurité prévaut complètement dans le reste du pays".
Vendredi soir, M. Kenyatta, au pouvoir depuis 2013, avait tendu la main à Raila Odinga, dans une adresse à la Nation. "Nous devons travailler ensemble (...) nous devons ensemble faire grandir ce pays", avait-il lancé, appelant l'opposition à ne pas "recourir à la violence".
Il y a dix ans, plus de 1.100 personnes avaient été tuées et 600.000 déplacées en deux mois de violences post-électorales, après la réélection fin décembre 2007 de Mwai Kibaki, déjà contestée par M. Odinga.
Mais le contexte des élections de mardi diffère de celui d'il y a dix ans. Même si elles remettent en lumière de vieilles rancoeurs entre communautés, les violences sont pour l'instant limitées aux bastions de l'opposition et seule l'ethnie Luo, celle de M. Odinga, semble par ailleurs se mobiliser. Les autres composantes de la coalition d'opposition Nasa, les Luhya et Kamba, restent pour l'heure à l'écart des violences, et leurs leaders discrets depuis l'annonce des résultats.
Les missions d'observation internationales ont globalement salué la bonne tenue des élections. Le groupe d'observateurs indépendants kényans ELOG, qui avait déployé 8.300 personnes sur le terrain, a publié samedi des conclusions "cohérentes" avec les résultats officialisés par l'IEBC.
Avec AFP