“On veut une autre république, une transition. Que le président actuel ne se présente pas et qu’il crée des conditions pour qu’il y ait une [...] transition [...] et des élections libres et transparentes pour une alternance apaisée et civilisée.”, a affirmé à VOA Benjamen Malaiti, le représentant au Canada du parti "Les Transformateurs” du Dr. Succès Masra.
“Pour que le peuple décide enfin qui doit le gouverner et dans quelles conditions”, a-t-il ajouté.
Moukhtar Al Kanani, un Tchadien quant à lui, a écrit sur la page Facebook de M. Masra: “Nous voulons sa démission [d’Idriss Déby] sans condition. Il sera tenu pour le seul responsable de tout les événements qui s'en suivront !”
Les Transformateurs ne sont pas le seul parti à souhaiter l’annulation du scrutin présidentiel tchadien du 11 mars. Vendredi dernier, le président de l'Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) et principal opposant au Tchad, Saleh Kebzabo, a aussi annoncé vendredi son intention d'empêcher pacifiquement le déroulement de la présidentielle du 11 avril.
Ce natif de Léré, dans le sud ouest du Tchad, où il a vu le jour 27 mars 1947, a d’ailleurs retiré sa candidature à la présidentielle, dénonçant le "climat d'insécurité" pour les opposants. Il a déclaré aussi refuser de "servir de caution à la mascarade qui se prépare sur une grande échelle".
“Les élections sont militarisées”, renchérit M. Milaiti depuis le Québec où il réside, avant d’ajouter: “Cela siginife que ceux qui iront à l’intérieur battre campagne ne seront pas en sécurité. Le bureau des Transformateurs à Ndjamena est encerclé par des militaires.”
Outre M. Kebzabo, trois autres opposants ont retiré leur candidature, pourtant validée par la Cour suprême, dénonçant eux aussi la détérioration du climat sécuritaire pour l'opposition.
Toutefois, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Dr. Kodi Bam Mahamat, a indiqué samedi que les candidats qui se sont désistés de la présidentielle figureront sur le bulletin de vote conformément à la loi.
Djerakeye Ndokain Urbain pense qu’il faut dire “Non à cette élection et oui à la transition pour préparer l'alternance au sommet de l'État. L'heure n'est plus au singularisme mais plutôt au pluralisme des actions.”, a-t-il réagi sur la page Facebook du leader des “Transformateurs”.
Rendre le pays ingouvernable
“Ils ont rendu notre pays invivable, il appartient maintenant à notre peuple de rendre ce pays ingouvernable et les élections impossibles afin d'obtenir par le dialogue un processus inclusif”, a écrit Succès Masra sur son compte Twitter le 5 mars.
La candidature du leader des Transformateurs a été rejetée par la Cour Suprême parce que, à 38 ans, le Dr Masra ne remplit pas la condition d'âge qui a été relevée à 40 ans au lieu de 35 ans, par une révision constitutionnelle et du Code électoral. Il est aussi accusé d’avoir produit un extrait d'acte de naissance sans mention des dates de naissance de ses deux parents.
Par ailleurs, la Cour suprême soutient que le parti Les Transformateurs ne figure pas sur la liste des partis politiques légalement constitués et que Dr Masra n'a pas versé la caution requise de 10 millions de Francs CFA. Il a plutôt produit en lieu et place un procès-verbal de remise d'un acte de cession de créance.
Des raisons que Les Transformateurs balaient d’un revers de la main. “S’ils ne reconaissent pas son parti, pourquoi ont-ils accepté sa candidature? Dans le droit tchadien, on peut utiliser la cession de créance comme caution. Quant à l’âge, la Charte de l’Union africaine, qui a la primauté sur les lois nationales rend le Dr. Masra éligible”, a réagi M. Milaiti à VOA Afrique, accusant la Cour suprême d’être inféodée au pouvoir.
“Ses membres ne sont pas des gens crédibles. C’est un amateurisme qui frime le ridicule”, assène-t-il.
Des actes de non violence
Les Transformateurs ont lancé une marche de protestation depuis jeudi, et qui devrait atteindre son apothéose le 11 avril, le jour du vote. “Notre parti a appelé pour des manifestations pour que les Tchadiens descendent pacifiquement dans les rues pour manifester pour dire non aux multiples injustices qu’ils subissent”, a indiqué M. Milaiti.
L’opposition tchadienne compte utiliser des moyens pacifiques pour parvenir à ses fins.
“Aucune action violente ne sera menée pour stopper le déroulement de cette élection. Mais soyez assurés que cette élection n'aura pas lieu", a assuré vendredi M. Kebzabo devant la presse.
"Il faut mobiliser le peuple, occuper les rues pour empêcher la tenue des élections parce que ces élections ne seront jamais libres, [...] jamais transparentes", soutient Abdallah Chidi Djorkodei, délégué chargé des relations extérieures et de la communication du FNDJT, que nous avons interviewé depuis New York où il vit.
Pour Gerard Jeune Souverain, “cette lutte ne fait que commencer. Elle va continuer. Ce pays doit changer et c'est avec cette jeunesse”, assure-t-il, avant de poursuivre, sur la page Facebook de Dr Masra: “Il est pour nous temps de nous lever et dire d'une seule voix NON à cette injustice qui sévit actuellement au pays de Toumaï."
Toumaï, qui signife “espoir de vie” en langue gorane est le surnom d'un crâne fossile de primate découvert en 2001 au Tchad, dans le désert du Djourab, à 800 km au nord de Ndjamena, la capitale tchadienne.
Le gorane est parlé par des éleveurs nomades évoluant de l'est nigérien à l'est tchadien et appartenant à l'ensemble toubou.
Le nom “Toumaï” a été suggéré par le président Idriss Déby Itno, pas uniquement parce qu'en Gorane, il désigne des enfants nés juste avant la saison sèche et qui ont, de ce fait, des chances de survie assez limitées, mais aussi pour célébrer la mémoire d'un de ses camarades de combat, vivant dans le nord du pays où le fossile a été découvert, et tué en combattant pour renverser le président Hissène Habré.
La plupart des rebelles goranes se sont ralliés au pouvoir en 2010.
Se lever comme un seul homme et unir les forces
“Si on arrive à mettre en place une structure commune [qui comprend] les partis politiques et la société civile, on peut empêcher le scrutin.”, soutient le délégué du FNDJT chargé des relations extérieures et de la communication, Abdallah Chidi Djorkodei.
Un avis que partagent certains Tchadiens surtout sur les réseaux sociaux, où, comme plusieurs Africains, ils peuvent s'exprimer sur des sujets politiques sans crainte.
“L'heure est aux actions concrètes pour dire non à la candidature de Mr Deby”, a écrit Urbain sur la page Facebook de Succès Masra.
“N'attendons pas et ne croyons pas que la liberté peut nous venir comme la manne tombée du ciel, cette liberté s'arrache”, a écrit Gerard sur la page Facebook de Succès Masra.