La chimiste d'origine kenyane de l'Université de Johannesbourg a été récompensée pour ses recherches dans la purification de l'eau polluée à l'aide de nanotechnologies.
Lors de ses travaux sur la gestion des ressources en eau en Afrique, Catherine Ngila a mis au point des moyens de filtrage innovants de polluants industriels. Son objectif est à présent de développer un nanofiltre commercialisable capable d'extraire tout polluant en une seule fois, afin de le rendre accessible aux communautés des zones rurales.
Catherine Ngila est originaire de Nairobi, au Kenya. Elle a étudié à l'Université Kenyatta et à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud (UNSW) située dans la banlieue de Sydney à Kensington. Après avoir obtenu son doctorat en chimie analytique en 1995, elle a repris son poste de conférencière à l'Université Kenyatta.
Après ses études, elle avait déclaré qu'à l'époque la tendance à penser que "les filles ne peuvent pas faire de sciences" était très répandue. Des préjugés encore tenaces aujourd'hui, non pas seulement en Afrique, au point de pousser certains gouvernements et l'Unesco à multiplier les campagnes ciblées visant à inciter les filles à opter pour les filières scientifiques.
Son père, qui a servi les autorités coloniales britanniques au Kenya et pris part à la seconde guerre mondiale, l'a encouragée à poursuivre ses études, et bien que chef de tribu, ne l'a jamais poussée à se marier, témoigne-t-elle, fière d'être la première personne de la famille à avoir suivi des études universitaires et obtenu un doctorat.
Alors que l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) la parrainait a l'UNSW en Australie en 2011 pour acquérir des compétences en biocapteurs électrochimiques et en chimiométrie, elle a obtenu un poste en Afrique du Sud à l'Université de Johannesburg (UJ). Ce qui lui a demandé de "jongler avec ses nouveaux engagements d'enseignement et de recherche" pour se déplacer aux quatre coins de la planète.
Durant cette période, le Dr Ngila a été maître de conférences à l'Université du Botswana, ainsi que celle du KwaZulu Natal à Durban, et professeur de chimie a l'UJ, où elle a notamment dirigé le département de chimie appliquée.
Ayant publié de nombreux articles dans des revues spécialisées, ses domaines d'expertise sont la chimie analytique et environnementale. Elle effectue des recherches principalement sur le traitement de la qualité de l'eau à l'aide de membranes nanocomposites et la modélisation du bilan massique dans les stations d'épuration.
Concentrant ses travaux sur des matériaux destinés à purifier l'eau à un coût abordable par les communautés rurales d'Afrique, elle a orienté ses étudiants dans la production de nanofibres emballées dans des cartouches pour la purification de l'eau, notamment pour éliminer les métaux et les anions inorganiques de l'eau contaminée.
Féminiser "en masse" les laboratoires scientifiques
Comme beaucoup de scientifiques africaines, Dr Ngila encourage l'éducation des filles et l'égalité des genres. Une mission aisée en Afrique du Sud, où le gouvernement encourage les politiques de féminisation de l'éducation du primaire jusqu'au cycle universitaire.
La plupart des institutions sud-africaine, lorsqu'elles octroient des financements sous forme de bourses ou de projets de recherche, donnent la priorité aux femmes, et les autorités tentent activement d'attirer en particulier les femmes noires vers la science.
En tant que directrice exécutive par intérim de l’Académie africaine des Sciences et ancienne présidente du groupe de travail sur l’éducation et le genre, le Dr. Catherine Ngila peut user de son influence pour plaider en faveur des filles et femmes désireuses de faire carrière dans une discipline scientifique.
Reconnaissant avoir évolué dans un milieu essentiellement masculin, la chercheuse dit combattre les discriminations basées sur le genre, pour avoir connu, comme bon nombre d'étudiantes africaines, le sentiment "d'isolement et d’exclusion", notamment dans les laboratoires, qu'elle veut féminiser "en masse".
"Nous avons besoin des compétences et des valeurs de chacune et de chacun pour créer des dynamiques plus équilibrées et inclusives, jusqu’au plus haut niveau de responsabilité", a-t-elle déclaré à la fondation L'Oréal-Unesco.
Les autres lauréates sont l'astrophysicienne française Françoise Combes pour ses recherches sur les galaxie et les trous noirs, la japonaise Kyoko Nozaki pour sa contribution en chimie synthétique, l'informaticienne israélo-américaine Shafi Goldwasser pour ses découvertes en cryptographie et la mathématicienne Argentine Alicia Dickenstein pour ses recherches sur les molécules à l'échelle microscopique.
Les cinq lauréates recevront 100.000 euros chacune.