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La colère monte après la mutinerie mortelle au Venezuela


Des proches de détenus discutent avec un policier en attendant des informations après une émeute et un incendie dans les cellules du quartier général de la police de Carabobo à Valence, au Venezuela, le 29 mars 2018.
Des proches de détenus discutent avec un policier en attendant des informations après une émeute et un incendie dans les cellules du quartier général de la police de Carabobo à Valence, au Venezuela, le 29 mars 2018.

La colère montait jeudi au Venezuela, au lendemain d'une des pires mutineries de son histoire durant laquelle 68 personnes sont mortes dans un incendie dans un commissariat surpeuplé de Valencia (nord), nouvel épisode d'un fléau qui touche l'Amérique latine.

Jeudi, sous un soleil de plomb, des familles aux visages graves et avides d'informations étaient toujours agglutinées devant les portes du commissariat principal de la capitale de l'Etat de Carabobo, a constaté l'AFP.

"On ne me laisse pas passer pour voir s'il est mort ou pas!", criait désespérée Maria, dont le fils est détenu.

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Des barrières métalliques étaient disposées devant une des entrées, carbonisée, de cet édifice en briques et tout en longueur.

"Hier (mercredi), on m'a remis le corps de mon neveu et je suis là aujourd'hui depuis six heures du matin pour qu'on me rende sa carte d'identité" afin de pouvoir l'enterrer, a déclaré à l'AFP Carmen Varela. "Il n'a pas été brûlé, on lui a tiré dans la tête. De ce qu'on peut voir, ça a été un massacre", a-t-elle dénoncé.

Jets de pierres, bousculades, cris, pleurs et évanouissements: mercredi soir, des heurts ont opposés des proches des détenus à la recherche de nouvelles et les forces de l'ordre à proximité du bâtiment.

Jusqu'ici, aucune liste avec le nom des victimes n'avait été fournie par les autorités.

Les Nations unies se sont dites jeudi "consternées" et ont demandé à Caracas à mener une enquête "efficace" pour déterminer la cause du drame.

"Les Etats sont garants de la vie et de l'intégrité physique des personnes privées de liberté", a souligné le bureau du Haut-Commissaire aux droits de l'homme.

Le Venezuela est en plein marasme économique et social en grande partie dû à la chute des cours du pétrole, dont il tire 96% de ses revenus. Outre la pénurie généralisée, cela se traduit par une hyperinflation attendue à 13.000% en 2018 par le FMI.

Surpeuplement de 400%

La veille, après plusieurs heures d'incertitude, le procureur général Tarek William Saab avait confirmé tard dans la nuit de mercredi à jeudi le nombre de victimes.

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"Face aux terribles évènements survenus dans le commissariat principal de l'Etat de Carabobo, où un incendie présumé a fait 68 morts, nous avons désigné quatre procureurs (...) pour éclaircir ce qui s'est passé", a déclaré Tarek William Saab, sur son compte Twitter.

M. Saab n'a pas précisé les circonstances de la tragédie, mais l'ONG "Une fenêtre vers la liberté", qui défend les droits des prisonniers, assure que l'incendie a été provoqué par un groupe de détenus qui cherchait à s'évader.

"Les détenus ont tenté de kidnapper deux policiers. Voyant qu'ils n'y arrivaient pas, ils ont déclenché une émeute et on décidé d'incendier des matelas en pensant qu'on leur ouvrirait alors les portes. Mais les grilles sont restées fermées", a déclaré jeudi à l'AFP le directeur de cette ONG, Carlos Nieto.

Les pompiers ont dû ouvrir un trou à l'arrière de l'édifice pour que les prisonniers puissent sortir. "Certains sont morts brûlés et d'autres par asphyxie", a ajouté M. Nieto, selon qui quelque 200 détenus se trouvaient dans le bâtiment.

Jeudi, 20 détenus se sont évadés d'un poste de police de la ville de Maracay (nord) en s'emparant de trois armes à feu et d'une moto de la police. Le chef du commissariat a assuré que les cellules n'étaient pas surpeuplés.

La surpopulation dans les prisons du Venezuela oblige les forces de l'ordre à utiliser les commissariats comme lieux de détention de longue durée. Or, selon la loi, la détention ne doit pas excéder 48 heures dans ces locaux.

Le surpeuplement représente 400% de la capacité d'accueil au Venezuela.

"S'il faut responsabiliser quelqu'un, c'est l'Etat pour négligence, car il utilise ces dépôts (de la police) comme des prisons alors qu'ils ne sont pas faits pour ça", a-t-il estimé.

Le procureur général a promis une enquête rapide pour "établir les responsabilités" dans ce drame.

Au moins 388 personnes sont mortes depuis 2011 dans les prisons vénézuéliennes, selon les chiffres officiels et ceux des ONG de défense des droits de l'homme.

Ailleurs en Amérique latine, plusieurs mutineries, parfois suivies d'incendies, ont dépassé la centaine de morts chacune au cours des 30 dernières années.

Avec AFP

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