Agé de 41 ans, Heneydis Suarez vit à Carbonera, une petite communauté de pêcheurs de la province orientale de Guantanamo, la plus affectée par le passage de Matthew.
Dès les premières bourrasques mardi soir, les murs de sa modeste maison ont commencé à trembler, et la montée du niveau de la mer s'est rapidement faite de plus en plus menaçante.
Au moment où le péril devenait aussi imminent qu'inéluctable, le pêcheur au visage cuivré décida de placer sa femme Yuliani et ses deux fils à l'abri, chez un voisin disposant d'une maison en dur, "beaucoup plus résistante" et éloignée de la mer.
Cette décision fut salvatrice, explique-t-il à l'AFP, vantant l'élan de solidarité qui émerge chaque fois qu'un ouragan s'abat sur Cuba. Cette année, plus des deux tiers des personnes déplacées ont trouvé refuge chez des voisins ou des proches.
Une fois la fureur de Matthew estompée, Heneydis a ruminé une journée entière avant de retourner chez lui, l'estomac noué. Et le constat fut plus qu'amer: son unique possession a été littéralement rasée par l'ouragan, le plus puissant à souffler sur les Caraïbes depuis près de 10 ans.
Les planches de bois, le toit de tôle, tout a disparu. Sa maison est à nu, comme celles de nombre de ses voisins, dont certains ne parviennent même pas à retrouver l'emplacement exact de leurs bicoques.
"Quand on est arrivé, on est tombé sur ces débris. C'est effrayant", et maintenant "on va devoir gérer cette situation difficile", se lamente le pêcheur.
"On est pauvres, on a à peine de quoi vivre et maintenant on n'a ni eau ni nourriture", poursuit-il.
- L'essentiel est d'être 'vivant' -
Heneydis a déjà décidé qu'il passerait les prochains jours chez son frère, qui réside dans l'arrière-pays. Ils ne récupéreront comme seuls bagages que deux ventilateurs fatigués, une caisse de vêtements, et quelques jouets encore boueux.
Les autorités cubaines n'ont pour l'instant pas encore fait état de victimes après le passage de l'ouragan, de catégorie 4 sur une échelle de 5 à son passage au-dessus de l'île caribéenne, mais les dégâts sont sérieux.
Baracoa, municipalité au charme colonial fondée en 1511, a subi les dommages les plus spectaculaires, avec plusieurs maisons détruites. Sa rue principale a disparu sous l'amoncellement de gravats.
La ville demeure inaccessible par la route, à l'égal des localités d'Imias et Maisi, sur la pointe orientale de l'île. Plusieurs ponts se sont effondrés et des blocs de pierre jetés par la mer ont endommagé les chaussées et entravent la circulation.
A Carbonera, les plus chanceux ont déjà entrepris de réparer tant bien que mal toits et cloisons. Beaucoup d'habitants circulent à pied ou à bicyclette, certains disposant de remorques. Peu d'entre eux ont le coeur à témoigner.
Asisley Perez, femme au foyer de 31 ans, est montée à bord d'un chariot à boeufs avec des voisins. Elle n'est pas encore arrivée à sa maison et confie s'attendre au pire.
"Certains se doutent bien de ce qui les attend, d'autres attendent de voir, mais l'essentiel est que nous soyons tous vivants", philosophe-t-elle, l'air résigné.
Le conducteur du chariot Yudier Borges, 22 ans, a déjà transporté beaucoup de sinistrés, mais il se dit optimiste.
"Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit qui ne puisse être résolu par le travail. C'est ce qu'on fait ici dès la naissance", sourit-il.
Avec AFP