De tous temps, elles ont été les piliers de l'économie rurale africaine, habituées des corvées d'eau lointaines et des récoltes harassantes. Mais les femmes reçoivent aussi en général "une partie très faible de la terre, du crédit, de la formation ou de l'information agricole", déplore l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) dans un rapport récent.
Le continent est encore loin d'assurer son autosuffisance alimentaire, mais si les femmes avaient le même accès que les hommes aux ressources productives, elles pourraient augmenter de 20 à 30% les rendements des exploitations agricoles, selon un calcul de la FAO.
Certaines, éduquées, sont en train de quitter les bureaux pour se lancer dans l'agroalimentaire, sentant à la fois un potentiel de développement et des besoins.
Plusieurs directrices de coopératives étaient présentes la semaine dernière à Paris au colloque annuel du think-tank FARM, au siège de l'OCDE. L'AFP les a rencontrées ainsi que la directrice d'une coopérative de cacao, venue témoigner sur les conditions de production en commerce équitable, à l'invitation du label Max Havelaar.
Wony Tieminta, 33 ans, est juriste, ancienne secrétaire administrative. Cette jeune Malienne qui s'occupe à la fois de pisciculture, de culture de mil et de maraîchage, est aussi vice-présidente des "Jeunes ruraux du Mali".
"Nous sommes beaucoup de jeunes diplômés au Mali et il y a tellement de jeunes sans emploi que je ne vais pas aller allonger les files d'attente devant les bureaux", raconte la jeune femme.
Femmes en Action
Aujourd'hui, à la tête de la coopérative "Femmes en action" avec 14 autres femmes, elle transforme la céréale locale, le fonio, vendu sous forme de gâteau pré-cuit, ou les graines de néré, un fruit chargé de nombreuses vertus thérapeutiques, en arôme d'assaisonnement dit "soumbara", ainsi que la farine de mil en "dégué", une crème à base de farine de cette céréale.
Le problème, selon Wony, est que l'agriculture a une image négative parmi la jeunesse malienne: "Ils ont vu leurs parents subvenir en se tuant à la tâche aux besoins de leur famille, et ils préfèrent déserter les champs au profit des mines, ou de l'Europe. Notre défi, c'est de rendre l'agriculture plus attrayante, mais les femmes ont encore beaucoup de problèmes pour l'accès au foncier, l'accès au crédit, c'est parfois décourageant" dit-elle.
Au Cameroun, Christine Njole Ndoumbe est conseillère du groupement de poivre de Penja, une des rares Indications géographiques protégées en Afrique.
Mais elle est aussi médecin-urgentiste à l'hôpital local. Pourquoi avoir choisi de diversifier ses activités dans les plantations de poivre? "Pour un complément de revenu" dit la jeune femme, qui a bataillé pour obtenir la reconnaissance internationale du poivre de Penja, vendu "quatre fois plus cher" que du poivre non AOP.
"Nous avons 500 personnes impliquées, dont 300 femmes, sur trois métiers: pépiniéristes, producteurs et distributeurs", explique-t-elle.
L'Ivoirienne Estelle Ado, directrice depuis 2012 d'une coopérative de 1.800 producteurs de cacao, était d'abord comptable, puis assistante de gestion dans une ONG.
"Au début, les femmes n'avaient droit à aucune terre par héritage, nous nous sommes battues collectivement pour qu'on nous accorde des parcelles, et maintenant nous avons des rendements supérieurs aux hommes parfois", raconte-t-elle.
Preuve que les mentalités évoluent, les réunions de sensibilisation pour convaincre les hommes de libérer leurs femmes de certaines tâches ménagères ont bien fonctionné.
"Des hommes se sont mis à aller puiser de l'eau, ou à passer le balai à l'intérieur de la maison, mais jamais dans la cour", dit-elle en souriant. Les voisins ne doivent pas savoir.
Avec AFP