A l’orée de la «guerre des étoiles», chacun compte développer ses capacités d'autodéfense, notamment pour protéger les satellites et renforcer la surveillance dans un espace qui devient le théâtre de confrontations entre grandes puissances.
Le nouveau commandement militaire américain (Spacecom) a été officiellement lancé par le président Donald Trump lors d’une cérémonie à la Maison Blanche le 29 août. "C'est un moment historique, un jour historique, qui reconnaît que l'espace est au centre de la sécurité nationale et de la défense de l'Amérique", a déclaré le président.
Le Spacecom, dont le financement est estimé à 8 milliards de dollars, sera chargé de renforcer les efforts américains dans l’espace notamment en matière de renseignement, communication, navigation et alerte de missiles, avec pour mission principale la dissuasion contre les menaces mondiales.
Selon le chef de l’exécutif américain, il est primordial de combattre ceux qui s'attaquent aux "satellites américains qui sont si importants pour les opérations sur les terrains de guerre et notre style de vie".
Après le Spacecom, M. Trump a confirmé la prochaine création d'une Force spatiale qui deviendra la sixième branche de l'armée américaine. Cette force de défense devra offrir une capacité de combat spatial et former des combattants pour «la guerre dans l’espace», a indiqué le Pentagone.
Certaines activités de renseignement spatial seront coordonnées avec des alliés de Washington tels que l'Allemagne, la Grande Bretagne, le Canada, le Japon, l’Australie, la Nouvelle Zélande et la France, qui compte lancer une initiative militaire spatiale en septembre.
"Nos alliés et nos adversaires militarisent l'espace. Nous devons agir. Nous devons être prêts", avait déclaré la ministre française des Armées, Florence Parly, lors de l’annonce de la stratégie spatiale de défense de la France, dans une base militaire à Lyon fin juillet. "Les moyens de gêner, neutraliser ou détruire les capacités spatiales adverses existent et se développent", avait précisé Mme Parly.
Indiquant que la France va investir dans des nano-satellites patrouilleurs dès 2023, la ministre a, par ailleurs, annoncé la création d’un commandement de l'espace ce mois de septembre au sein de l'armée de l'Air française, qui deviendra à terme «l'armée de l'Air et de l'Espace».
Pour Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), "il y a eu diverses péripéties dans la mise en place de ce commandement spatial" depuis la suppression du "commandement (spatial) interarmées qui avait fonctionné entre 1985 et 2002." L’expert en défense explique que le commandement spatial américain est en quelque sorte rétabli en tant que commandement de combat unifié.
Entretien:
Jean-Vincent Brisset: Chaque armée au sein des armées américaines avaient la main sur une petite partie des moyens dans l'espace, moyens de communication, de renseignement et de navigation. Tout cela dépendait très largement de l'armée de l'air, qui mettait les moyens à disposition des autres armées, ce qui provoquait des récriminations et qui, sur le plan de l'efficacité, n’était pas ce qu’il y a de mieux, dans la mesure où la synthèse des moyens n'était pas toujours faite.
Il existait déjà un commandement interarmées qui avait fonctionné entre 1985 et 2002 et qui avait été supprimé. Et là, le président Donald Trump est en train de créer, non pas un commandement interarmées mais une nouvelle armée qui va s'ajouter à l'armée de l'air, à la marine et à l'armée de terre. Donc ça sera vraiment quelque chose qui prendra entièrement en main tout ce qui est spatial aux Etats-Unis.
Le commandement spatial aux Etats-Unis, c'est quelque chose qui va être créé en regroupant au sein d’un commandement ce qui existait déjà dans les différentes armées et qui va rationaliser tout ça. Ensuite, à partir du moment où les gens ne porteront plus l’uniforme d’une armée mais l'uniforme du commandement spatial, il y aura de la recherche et de l'imagination, de la théorisation qui pourrait conduire à d'autres choses.
VOA Afrique: On parle notamment de capacités spatiales adaptées au combat, de dissuasion nucléaire, entre autres orientations. Qu'est-ce que cela représente concrètement? Qu'a-t-on déjà au niveau spatial militaire?
JV Brisset: On ne va rien avoir de nouveau sur le plan militaire. Dans un premier temps, ce qui est spatial pour les militaires, c'est de la reconnaissance, c'est à dire faire des photos de ce qui se passe au sol et analyser les signaux électroniques, des histoires de température, de déplacements et autres, ça c'est la partie reconnaissance. Il y a une partie communication qui est un peu le pendant des communications satellitaires civiles. Il y a une partie qui est en train de se développer pour abattre les satellites ennemis. Il y a une partie de navigation qui est représentée par le GPS, qui est un ensemble de satellites permettant d'avoir la position exacte de quelqu'un au sol, ce dont ont besoin les militaires en permanence.
VOA Afrique: Est-ce que l'on pourrait arriver à un certain point où l’on pratiquerait notamment des frappes chirurgicales à partir de l'espace?
JV Brisset: Ça ne se fait pas à l'heure actuelle. Il y a des frappes chirurgicales à l'intérieur de l'espace qui consistent à abattre d'autres satellites, parce que quand on a pensé à abattre d’autres satellites, dès le début des satellites dans les années 60, tout ce qu'on savait faire c'était une grosse explosion le plus près possible d’un autre satellite. Maintenant les interceptions de satellites consistent en une collision matérielle entre des choses à plusieurs milliers de kilomètres heure qui font la taille d'une voiture au maximum.
VOA Afrique: Ce commandement spatial américain prévoit notamment d’assurer «la liberté d'action dans l'espace». Est ce qu'il y a une forme de réglementation dans l’espace?
JV Brisset: Il est théoriquement interdit d'avoir de l'armement dans l'espace par les traités internationaux. C'est quelque chose qui est violé. L'expérimentation chinoise de 2007 a ouvert la porte à une dérégulation et à un arrêt de cette sorte de statu quo qui existait.
Donc maintenant, il y aura des satellites qui, pour assurer la protection de satellites dont on a besoin, vont être capables d'intercepter et de casser des satellites intercepteurs. Ce qui veut dire que l’on se retrouve dans l'espace avec exactement ce qui se passe dans les airs, sur terre et sur mer.
VOA Afrique: En se projetant plus dans l'avenir, est ce que l’on pourrait arriver à une sorte de guerre, une «guerre des étoiles»?
JV Brisset: C'est quelque chose qui est déjà envisagé et qui est déjà en cours de préparation pour un certain nombre de pays. Il y a déjà eu quelques petites actions, beaucoup exagérées par certains, mais à partir du moment où le satellite de l'adversaire fournit à ses adversaires du renseignement, de la localisation, il est évidemment très intéressant de le détruire. Et à l'heure actuelle, la plupart des forces de grand pays seraient très pénalisées si elles perdaient des satellites. Donc détruire le satellite de l'adversaire, c'est effectivement quelque chose à laquelle on pense, comme je vous l'ai dit, par des systèmes de collision et aussi par des lasers embarqués dans l'espace qui peuvent les détruire, les aveugler ou brouiller leurs communications.
VOA Afrique: En ce qui concerne les météorites de grosse taille, c'est une menace également. Est-ce que ce type de commandement serait à même d'affronter ce genre de menace?
JV Brisset: Il y a eu un film remarquable sur le sujet. A l'heure actuelle, il n'y a absolument pas de moyens existants, à court terme du moins, si une météorite devait venir en collision avec la terre pour pouvoir la détruire. Cela fait partie des choses qui sont envisageables, peut-être dans le futur (…) et ce n'est pas du tout une des menaces sur lesquelles les armées, quel que soit le pays, sont braquées à l’heure actuelle.