À Khartoum, cinq millions d'habitants vivent pour la quatrième semaine consécutive barricadés chez eux, par peur des balles perdues. Sans eau ni électricité, avec des stocks de nourriture quasiment à sec et de moins en moins d'argent en poche, ils survivent sous une chaleur écrasante grâce à des réseaux de solidarité entre voisins et proches.
Ils ne s'informent les uns les autres de leur sort ou de leurs besoins que lorsque le réseau téléphonique ou internet revient, au gré des efforts des compagnies de télécommunications qui peinent à trouver du carburant pour faire tourner les générateurs qui gardent le pays connecté au monde. Et les combats continuent. Un résident du sud de Khartoum raconte ainsi à l'AFP "entendre des raids aériens du côté d'un marché dans le centre-ville".
Pas de "progrès majeurs"
De l'autre côté de la mer Rouge, à Jeddah en Arabie saoudite, les deux généraux en guerre pour le pouvoir, le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane et le patron des redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) Mohamed Hamdane Daglo, ont envoyé des émissaires négocier une trêve.
Ces "pré-discussions" sont uniquement "techniques", préviennent depuis plusieurs jours les négociateurs soudanais et internationaux. Elles ne concernent aucun volet politique dans un pays en plein marasme depuis le putsch des deux généraux en 2021.
Elles se limiteront, assurent les experts, à dégager des corridors sécurisés pour l'aide humanitaire qui arrive sur la côte est, à Port-Soudan, afin de nourrir et de soigner les civils pris au piège à Khartoum et au Darfour, dans l'ouest frontalier du Tchad. Dans ces deux zones, quasiment plus aucun hôpital ne fonctionne et les réserves en nourriture et médicaments sont presque systématiquement pillés, quand ils ne sont pas bombardés.
Les pourparlers à Jeddah n'ont cependant pas débouché sur des "progrès majeurs" pour l'instant, affirme à l'AFP au deuxième jour de négociations un diplomate saoudien. Et le responsable de l'ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, arrivé dimanche à Jeddah, a "demandé à participer aux négociations", mais sa demande n'a pas encore abouti, rapporte un fonctionnaire de l'ONU à l'AFP sous couvert d'anonymat.
Diplomatie et réfugiés
Depuis le début de la guerre le 15 avril, les canaux de négociations diplomatiques se multiplient, sans toujours se croiser. Washington et Ryad semblent avoir pris l'ascendant puisque les deux généraux ont envoyé des proches négocier à Jeddah. Mais dans les deux camps, les émissaires choisis sont connus de longue date pour leur hostilité notoire à l'autre partie.
En parallèle, l'Union africaine – qui a suspendu le Soudan en 2021 et n'a donc plus de grands leviers de pression – et l'Igad, le bloc régional d'Afrique de l'Est dont fait partie le pays, tentent de revenir à un format de discussions sous l'égide du président du Soudan du Sud, Salva Kiir.
La Ligue arabe, elle, a dû se contenter dimanche d'un consensus a minima, ses pays membres appelant à préserver la "souveraineté" du pays et à cesser les hostilités. Car ses poids lourds ne sont pas sur la même ligne: l'Egypte soutient l'armée tandis que les Emirats arabes unis appuient le général Daglo. L'Arabie saoudite, elle, soutient de longue date les deux, rappellent les experts.
A Jeddah, Ryad plaide donc pour "un arrêt effectif à court terme" des hostilités, la facilitation de l'acheminement de l'aide humanitaire et le rétablissement des services essentiels, selon le ministère saoudien des Affaires étrangères. Le royaume saoudien espère également "un calendrier de négociations élargies" visant à mettre fin au conflit de façon permanente.
Jusqu'ici, les nombreux cessez-le-feu promis ont été violés dans les minutes suivant leur annonce. L'ONG ACLED dénombre déjà plus de 750 morts, les autorités soudanaises 5.000 blessés et l'ONU 335.000 déplacés et 117.000 réfugiés. En pleine crise économique, l'Egypte a déjà accueilli plus de 60.000 réfugiés soudanais. Elle a dépêché lundi son chef de la diplomatie chez d'autres voisins du Soudan, le Tchad et le Soudan du Sud, qui ont aussi reçu plus de 57.000 personnes fuyant la guerre, selon l'ONU.