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La Libye, ancien Eldorado devenu un enfer pour les migrants


Des migrants ont été secourus au large des côtes libyennes par une opération menée par un ONG espagnole, le 3 février 2017.
Des migrants ont été secourus au large des côtes libyennes par une opération menée par un ONG espagnole, le 3 février 2017.

Racket, exploitation proche de l'esclavage, enlèvement, extorsion, torture... La Libye est devenue un véritable enfer pour les migrants qui rêvent de rallier l'Europe ou croyaient trouver du travail dans ce pays, ancien eldorado économique sous le régime de Mouammar Kadhafi et ses pétrodollars.

A Agadez et Niamey au Niger, les migrants rencontrés par l'AFP racontent la Libye, un pays livré à des groupes armés et aux milices, dans une anarchie où les Africains sub-sahariens sont exposés à tous les abus.

"Maintenant la Libye va mal, mal, mal", affirme à Agadez Ibrahim Ali, originaire de Guinée-Bissau. Exténué par sa traversée du désert, le jeune homme semble traumatisé. Il dit avoir passé deux ans à travailler ainsi que deux mois en prison.

"Il y a des armes partout, trop de problèmes. La Libye, ce n'est plus bon", souligne Eric Manu, un maçon ghanéen de 36 ans qui y a séjourné plusieurs années. Il dit avoir décidé de partir en raison de l'insécurité mais aussi de la baisse des salaires, divisés par trois, ou des problèmes de paiement: "Tu peux travailler et après on te paie pas".

Prisons privées

"Il y a trop de bandits, Ils cherchent de l'argent ou ton téléphone. Ils peuvent te tuer, te tirer dessus", assure-t-il. Originaire de Koumassi, il a pu envoyer son argent au pays par transfert et est rentré à Agadez les poches vides: "sur la route, ils (les bandits) t'attendent".

Parti de Guinée en 2013, Kanté Sekou, 27 ans, cherchait à rejoindre l'Europe mais en Libye, il a fini par renoncer après avoir vécu des jours difficiles, évitant la "police qui raflait les gens et les milices qui s'attaquaient entre elles". Il a finalement été embauché "sur un chantier de construction comme manoeuvre" avec d'autres migrants.

"C'est la merde. On était payé 15 dinars (environ 10 euros) par jour, on cotisait 5 dinars pour la nourriture. Mais l'argent ne venait pas. On attendait parfois trois, quatre semaines sans être payés. La nourriture devenait rare, on ne savait pas quoi faire", se souvient ce diplômé d'université en "communication sociale".

Pieds de chameau

"On était obligés d'aller dans un village où il y avait un abattoir. On prenait les restes, des pieds de chameau des trucs comme ça, ce qu'ils ne voulaient pas. Ce n'était pas bon mais il fallait le faire", assure Sekou. "Puis un jour, on nous a dit que l'argent était arrivé. On ne m'a pas payé tout ce qu'on me devait mais je suis parti" près de Misrata (ouest) où il a travaillé comme peintre en bâtiment.

Sekou a aussi dû échapper à des "bandits" qui arrêtent les migrants et réclament ensuite des rançons. "Pour ne pas se retrouver en prison, on a été obligés de sauter de la voiture qui roulait", se souvient-il.

De nombreux autres migrants ont eux connu l'horreur de ces enlèvements. "Si tu gagnes de l'argent, les 'boys' (hommes armés) t'attrapent et te frappent. Ils te mettent en prison. Ce n'est pas prison normale, c'est prison privée", raconte Ibrahim Kande, Sénégalais de 26 ans.

"Il t'enferment et il faut payer 200 à 500.000 CFA (300 à 750 euros)... Ils appellent ton parent au pays. Il faut leur dire +Envoie moi de l'argent sinon ils vont me tuer+", raconte-t-il.

L'argent est récupéré dans le pays d'origine par un intermédiaire qui l'envoie à un autre intermédiaire à Agadez, qui donne alors le feu vert à la libération du prisonnier, selon un modus operandi expliqué et confirmé par plusieurs autres migrants. L'argent emprunte alors des chemins opaques pour arriver en Libye.

Coups de couteau

"J'ai reçu beaucoup de coups, des coups de pied, des coups de couteau (il montre des cicatrices au front et à la jambe). On m'a volé trois fois. Tu ne peux pas dormir. Tu as toujours peur. J'ai beaucoup souffert", conclut-il.

Baldé Aboubakar Sidiki, âgé de 35 ans, venu de Kindia en Guinée, a également été enfermé dans une de ces prisons. "Ce sont des maisons normales de l'extérieur mais il y a des pièces où on t'enferme. Il y a beaucoup de gens. C'est dur".

Il dit aussi avoir été torturé. "On te sort de la cellule et on te frappe sur la plante des pieds avec des bâtons ou des câbles", dit-il. Lui aussi a dû payer une rançon.

De nombreux autres migrants revenus de Libye racontent les mêmes histoires insoutenables.

Mais à Agadez, de nombreux autres migrants candidats au départ vers l'Europe ne sont pas découragés pour autant. "Ça va rendre le voyage plus cher parce c'est plus dangereux mais au final, ce sont toujours les migrants qui vont payer", estime un habitant d'Agadez.

Avec AFP

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