Dans les quartiers visités par l'AFP, tous les magasins étaient fermés, les marchés abandonnés et les rues quasiment désertes hormis quelques rares voitures bravant les check-points des forces de sécurités déployées le long des grands axes.
Le président Muhammadu Buhari a décrété l'interdiction de "tout mouvement" à partir de lundi soir, et pendant au moins 14 jours, dans les Etats de Lagos et Abuja qui enregistrent la grande majorité de la centaine de contaminations officiellement enregistrée dans le pays - 135 cas et 2 décès.
Un pari aussi ambitieux que risqué dans le pays le plus peuplé d'Afrique, mais qui semblait, dès les premières heures, appliqué à la lettre dans une grande partie de la tentaculaire mégalopole de 20 millions d'habitants du sud.
"C'est comme mettre les gens en prison", déclare Mutiu Adisa, un chauffeur de mini-bus désoeuvré. "Je ne sais pas comment les gens vont pouvoir survivre deux semaines sans travailler pour gagner de l'argent".
C'est d'ailleurs la question que tout le monde se pose: comment faire appliquer ces mesures extrêmes, notamment dans les bidonvilles surpeuplés où l'immense majorité des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté et n'ont pas d'économies?
"On sait bien qu'il faut arrêter de circuler pour réduire le nombre de contaminations", reconnait un ingénieur âgé d'une soixantaine d'années, Ogun Nubi Victor.
"Mais il n'y a pas d'argent pour les citoyens, les gens vont juste rester chez eux sans rien à manger".
L'Etat de Lagos a annoncé l'installation de marchés de proximité dans les quartiers populaires, ainsi que la distribution de vivres à 200.000 foyers jugés particulièrement vulnérables, mais c'est une goutte d'eau à l'échelle de 20 millions d'habitants.
Les restrictions varient d'un pays à l'autre du continent africain, où plus de 5.300 cas et 170 morts - dont la Tanzanie qui a déploré mardi son premier décès dû au coronavirus - ont été recensés officiellement, selon un décompte de l'AFP.
Le Nigeria rejoint ainsi l'Afrique du Sud, ou encore la Tunisie et le Rwanda dans l'application radicale du confinement.
- Violences policières -
L'Ouganda est également entré en confinement mardi matin, le président Yoweri Museveni ayant décrété la veille un arrêt immédiat de toute circulation de véhicules et un couvre-feu nocturne.
D'autres comme le Kenya, le Sénégal et la Côte d'Ivoire ont opté pour des mesures moins strictes, état d'urgence et couvre-feu.
Au Congo-Brazzaville (cinq millions d'habitants), qui se prépare lui aussi au confinement à partir de 20H00, les habitants de la capitale se ruaient vers les supermarchés et boulangeries pour faire des provisions, mais aussi vers les gares routières pour rejoindre leurs villages.
Conséquence : un billet pour Gamboma à 325 km au nord de Brazzavile est passé de 6.000 CFA à 15.000 CFA (de neuf à 22,5 euros), a constaté un correspondant de l'AFP.
L'application de telles mesures s'accompagnent parfois de violences policières, comme en Afrique du Sud, où la ministre de la Défense Nosiviwe Mapisa-Nqakula a "condamné" lundi les "abus" commis sur des civils par des soldats, révélées par des vidéos circulant sur les réseaux sociaux.
Quelque 3.000 militaires ont été déployés pour faire respecter dans le pays ce confinement total qui compte le plus grand nombre déclaré de contaminations au coronavirus.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé lundi le déploiement dans le pays de 10.000 personnes chargées de repérer les personnes qui présentent les symptômes de la maladie.
"Les personnes qui ont des symptômes seront envoyées dans des cliniques" pour être testées, a-t-il expliqué.
La progression du virus reste certes plus lente en Afrique que dans le reste du monde, et, lundi, le continent comptait encore six pays officiellement épargnés sur 54 - Soudan du Sud, Burundi, Sao Tomé et Principe, Malawi, Lesotho et Comores.
Mais les experts ont à plusieurs reprises mis en garde contre la vulnérabilité de l'Afrique, déjà confrontée à de nombreux conflits, des systèmes sanitaires médiocres, des hôpitaux sous-équipés et des bidonvilles surpeuplés comme bombe à retardement potentielle.