Une proposition de loi d'initiative citoyenne instituant cette interdiction a été rejetée par 352 députés de la majorité conservatrice et de l'opposition. Cinquante-huit députés se sont prononcés pour son adoption, alors que 18 se sont abstenus.
Ce vote suit d'importantes manifestations ayant réuni quelque 100.000 "femmes en grève", vêtues de noir opposées à la proposition de loi, selon la police.
Le projet a également suscité l'émotion en Europe, au moment où les relations entre Varsovie et Bruxelles sont déjà tendues sur plusieurs autres dossiers. Le Parlement européen s'est saisi de ce dossier mercredi et de nombreux députés y ont vivement critiqué le texte lors d'un débat.
Le revirement à 180 degrés du parti Droit et Justice (PiS), majoritaire au Parlement, a été expliqué avant le vote par son président, Jaroslaw Kaczynski, et par la Première ministre, Beata Szydlo.
"Nous avons le plus grand respect pour les signataires de la proposition de loi, mais en observant la situation sociale, nous constatons qu'elle (la proposition) conduirait à un processus dont l'effet serait contraire à ses objectifs", a dit M. Kaczynski.
Certains au sein de son parti ont mis en garde contre l'adoption d'une loi trop sévère qui pourrait provoquer un retour de balancier en faveur d'une loi beaucoup plus libérale que l'actuelle, en cas de changement de majorité.
La Pologne fait partie des pays les plus restrictifs en Europe. La loi n'autorise l'avortement que dans trois cas: risque pour la vie ou la santé de la mère, examen prénatal indiquant une grave pathologie irréversible chez l'embryon et grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste.
La proposition examinée ne laissait impunie qu'une intervention pour sauver la vie de la femme. Elle fixait la peine de prison maximale pour la femme qui avorte à cinq ans de prison, tout en permettant au juge de renoncer à la punir.
- 'Leçon d'humilité' -
Mme Szydlo, rappelant que le 23 septembre elle avait voté, comme l'ensemble de ses collègues du PiS, pour l'envoi de la proposition sur l'avortement en commission, a déclaré que "sa responsabilité de chef du gouvernement l'obligeait à tenir compte de différentes voix et opinions".
Elle a annoncé "trois actions" du gouvernement: l'élaboration, avant la fin de l'année, d'un programme de soutien aux familles et aux femmes décidant de garder des enfants nés de grossesses difficiles et élevant des enfants handicapés, la mise en place, début 2017, d'allocations à ces personnes et une "vaste action d'information pour promouvoir la défense de la vie".
Pour l'opposition, le parti au pouvoir, majoritaire au Parlement, qui avait voté le 23 septembre pour l'examen du texte en commission et le rejet d'un contre-projet libéral, a agi dans l'urgence, ayant pris peur après les manifestations de femmes.
"Votre position en commission résulte de la panique qui vous a saisis après les protestations de lundi", a asséné en commission une députée de Plate-forme civique (PO, opposition), Joanna Mucha. "Les Polonaises ne permettront pas que vous les conduisiez à l'abattoir comme des moutons. Le troupeau va vous piétiner", a-t-elle lancé.
Les protestations de lundi "nous ont fait réfléchir et nous ont donné une leçon d'humilité", a admis le ministre de la Science et de l'Enseignement supérieur, Jaroslaw Gowin.
Jeudi, une proposition de loi prévoyant une stricte limitation de la pratique de fécondation in vitro a également été définitivement abandonnée, après que des députés du mouvement Kukiz'15 (populistes) lui eurent retiré leur soutien, décision saluée par des organisations de femmes et une partie de l'opposition.
L'animateur de la fondation pro-vie à l'origine de l'initiative, Mariusz Dzierzawski, a dénoncé avec amertume "l'hypocrisie" du PiS.
"Les électeurs qui ont soutenu le PiS peuvent se sentir trompés. (...) Je pense que Jaroslaw Kaczynski considère sincèrement que les enfants malades doivent être avortés", a-t-il dit, affirmant que son mouvement allait poursuivre son action.
Avec AFP