Insatiable, "le Cannibale", un de ses nombreux surnoms, avait encore faim de médailles, malgré les 13 récompenses olympiques (8 or, 4 argent, 1 bronze) déjà accrochées au mur. Jusqu'au bout, il a cru en ses chances de participer à ses septièmes Jeux.
"Ça craint que je ne puisse pas y aller", a-t-il réagi lundi, cité par la chaîne TV2. "Je pense que j'aurais pu retrouver la forme d'ici les JO", a-t-il ajouté, en se disant en désaccord avec la décision du Comité olympique norvégien.
Celui-ci avait dévoilé un peu plus tôt la liste des biathlètes norvégiens retenus, une liste qui ne contenait pas le nom de Bjoerndalen pour la première fois depuis... 1992.
"Les résultats atteints par Ole Einar Bjoerndalen en Individuel en Coupe du monde (...) ne sont pas assez bons. Il n'a hélas pas satisfait aux critères" de sélection, a expliqué le chef du comité, Tore Oevreboe.
Nouvelle preuve d'une baisse de régime cruelle mais inexorable, Bjoerndalen avait fini à une piètre 42e place la semaine dernière dans l'Individuel de Ruhpolding (Allemagne).
Les JO d'hiver perdent donc un visage familier et affable qui faisait partie du paysage depuis Lillehammer (Norvège) en 1994. L'actuel roi de la discipline, le Français Martin Fourcade, était alors encore en maternelle...
"Le héros de mon enfance", disait d'ailleurs de lui Fourcade l'an dernier.
Des chiffres en forme de superlatifs
C'est à Nagano (Japon), en 1998, que Bjoerndalen perce. Après avoir été coupé dans son élan la veille par la météo, il remporte le sprint 10 km puis ira offrir l'argent à la Norvège en relais.
S'ensuit une longue moisson de titres olympiques qui lui assurera une place de choix dans le coeur de ses compatriotes, férus de ski.
Bien qu'attendue, la décision du comité a semé la consternation parmi eux. Sur les réseaux sociaux, certains parlaient de "scandale" et de "journée triste pour le biathlon".
La Norvège se souvient notamment du "grand chelem" réalisé aux JO de Salt Lake City (États-Unis) en 2002 (4 titres en 4 épreuves de biathlon) mais aussi des 95 victoires individuelles en Coupe du Monde, des six gros globes de cristal et des 20 titres mondiaux.
Bjoerndalen a fait entrer le biathlon dans une nouvelle ère. Ses dix années (1997-2007) de féroce adversité avec le Français Raphaël Poirée ont permis à la discipline de décoller médiatiquement.
Aussi modeste que populaire, le "roi Ole" a gagné l'estime de tous, coéquipiers comme concurrents.
"Ce serait super bizarre d'aller aux JO sans Bjoerndalen", estimait le meilleur biathlète norvégien du moment, Johannes Thingnes Boe, cité par l'agence NTB quelques heures avant l'annonce de la sélection.
Faux départs
Bjoerndalen ne doit pas son succès à un physique exceptionnel --il ne sort pas du rang du haut de son 1,79 m-- mais à une détermination en acier et une préparation hyper-minutieuse qui ne laisse rien au hasard.
Enfant, le fils d'agriculteur consacre l'argent gagné un été grâce aux travaux à la ferme à l'achat d'une lampe frontale pour s'entraîner le soir. Il pratique le tir sur les soutiens-gorge de sa mère, pendus au fil à linge, et fait voeu dès 12 ans de ne pas toucher à l'alcool, selon des anecdotes relatées par la radiotélévision NRK.
Le meilleur biathlète de l'histoire a aussi été le premier à s'imposer des charges de travail hallucinantes à l'entraînement, au rythme de 900 à 1.000 heures par an depuis l'âge de 15 ans.
Tel est le secret d'une longévité qui a bluffé les experts, prompts à prédire son départ à la retraite depuis de nombreuses années.
Après avoir effacé des tablettes les records de son prestigieux compatriote Bjoern Daehlie, Bjoerndalen a cependant peiné à mater les générations montantes d'une nation jamais à court de talents (Emil Hegle Svendsen, Tarjei et Johannes Boe).
S'il avait laissé entendre qu'il raccrocherait après les Jeux de Sotchi en 2014, le vieux briscard avait finalement fait volte face et tenté de rempiler jusqu'à Pyeongchang. Il dit maintenant attendre la fin de la saison pour se prononcer sur la suite de sa carrière.
Avec AFP.