Si le Canada permet déjà la consommation de cannabis pour accompagner ou intégrer un traitement médicalisé depuis 2001, la légalisation totale de son usage inquiète les médecins et l'exécutif des provinces pour sa mise en pratique.
Dans son projet de loi, le gouvernement libéral de Justin Trudeau ouvre la voie à une discussion acharnée à la chambre des députés dans les prochains mois, l'objectif étant de légaliser le cannabis à partir du 1er juillet 2018, jour de la fête nationale.
Après l'Uruguay, le Canada deviendrait le deuxième pays à légaliser la consommation de cannabis à usage récréatif. Aux Etats-Unis, plusieurs Etats dont la Californie l'ont aussi autorisé pour un usage récréatif.
Le gouvernement s'est largement inspiré du travail d'un groupe d'experts qui avaient fait 80 recommandations en décembre.
Si le projet de loi prévoit de fixer à 18 ans l'âge légal, il laisse cependant aux 13 provinces et territoires la latitude d'adapter cette limite pour la consommation de cette substance. La majorité varie entre 18 et 19 ans entre les côtes pacifique et atlantique.
Dans leur ensemble, les médecins ne veulent pas autoriser la consommation de cannabis à des jeunes à peine majeurs.
Mercredi, l'Association canadienne des psychiatres avait plaidé pour fixer l'âge légal à 25 ans, avançant les conséquences de l'usage du cannabis sur le système neurologique des plus jeunes.
L'Association médicale canadienne a recommandé que cet âge limite soit de 21 ans et surtout que la loi fixe les teneurs en THC ou en CBD, les principes actifs de la substance.
Les provinces devront aussi décider de fixer un seuil de tolérance, ou une interdiction absolue, pour les automobilistes.
Trente grammes maximum
Les particuliers pourront faire pousser quelques plants pour leur usage personnel et devront, dans l'espace public, être en possession au maximum de 30 grammes de cannabis.
Les pouvoirs publics devront également délivrer les agréments à des producteurs et réglementer le réseau de distribution pour éviter que les groupes mafieux et criminels les contrôlent.
Pour la ministre de la Santé Jane Philpott la loi "permettra de légaliser l'accès au cannabis mais, en même temps, de réglementer et de contrôler son accès" pour protéger les consommateurs.
Un cadre réglementaire permettra également au gouvernement de s'assurer "que les bénéfices (de la vente de cannabis) soient tenus hors de portée des organisations criminelles", a-t-elle assuré.
Les chefs de police du Canada avaient appelé à l'assouplissement de la loi sur les stupéfiants afin de réduire les coûts des poursuites pour de simples cas de possession de cannabis.
Près de 70.000 poursuites pour possession ou consommation de cannabis avaient ainsi été engagées en 2014, représentant un gaspillage des ressources au détriment de délits plus graves, selon ces responsables policiers.
Avec la légalisation, le gouvernement avait récemment estimé que 4,6 millions de personnes consommeraient 655 tonnes de cannabis par an pour des dépenses de 4,2 à 6,2 milliards de dollars canadiens (3 à 4,2 milliards d'euros). Les recettes fiscales pourraient dépasser les 500 millions de dollars.
Alors que de nombreux magasins de cannabis ouvrent (et sont aussitôt fermés par les autorités) dans les métropoles canadiennes pour tenter de mettre un pied sur ce marché potentiellement lucratif, le gouvernement a néanmoins rappelé que les lois actuelles doivent être respectées jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.
"Tant que nous n'avons pas de cadre légal pour contrôler et réguler la marijuana, les lois actuelles s'appliquent", avait rappelé Justin Trudeau en mars.
Depuis quelques semaines, les petites sociétés productrices de cannabis médicalisé ont vu leur valeur boursière bondir. Cannimed, Canopy Growth, Aurora Cannabis ou Aphria sont pratiquement à des plus hauts historiques.
Avec AFP