La démarche de la Guinée Equatoriale de saisir la CIJ a pour but "de ralentir, voire de paralyser, la procédure pénale lancée en France", a déclaré devant les juges Alain Pellet, professeur émérite à l'Université Paris Nanterre et membre de la délégation française.
"La saisine de la CIJ", basée à La Haye, "n'est ni plus ni moins un moyen pour la Guinée équatoriale de faire de la Cour une caisse de résonance pour mettre en avant ses arguments", a-t-il poursuivi, alors que la France conteste la compétence de la CIJ dans cette affaire.
Les relations entre la France et la Guinée équatoriale sont tendues depuis que la justice française a ouvert en 2016 un procès contre Teodorin Obiang, fils du président Teodoro Obiang et lui-même vice-président équato-guinéen, accusé d'avoir pillé les caisses de l'Etat et d'avoir acheté des propriétés somptueuses dans les endroits les plus chers du monde.
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La Guinée équatoriale avait demandé à la CIJ d'exiger la suspension des poursuites judiciaires françaises, dénonçant une violation de l'immunité du vice-président. La CIJ avait refusé cette requête et laissé libre cours à la justice française.
'Incompétence de la CIJ'
Mais dès le début du contentieux, la France a contesté toute compétence de la CIJ dans l'affaire, invoquant la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.
"La requête de la Guinée équatoriale est abusive car elle ne repose sur aucune base juridique raisonnable", a déclaré devant la cour François Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère français des Affaires étrangères.
Jugé depuis 2016 devant le tribunal correctionnel de Paris, Teodorin Obiang a été condamné, en octobre dernier, à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d'euros d'amende, également avec sursis, dans cette affaire dite des "biens mal acquis".
Selon la justice française, le fils de Teodoro Obiang, un président qui dirige la Guinée équatoriale d'une main de fer depuis 1979, s'est frauduleusement bâti en France un patrimoine de plusieurs dizaines de millions d'euros, comprenant notamment un hôtel particulier de 4.000 mètres carrés situé dans le 16e arrondissement de Paris, un des quartiers les plus luxueux de la capitale.
La délégation française plaidait lundi lors des audiences publiques pour tenter de démontrer l'incompétence de la Cour, avant que le camp équato-guinéen ne lui réponde mardi. Un deuxième tour de plaidoiries se tiendra mercredi et vendredi.
Maquillage diplomatique
Dès lors, la France a soulevé que la Cour n'était pas compétente dans l'affaire en se basant sur la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.
"Le différend n'entre pas dans la compétence de la Cour", a indiqué lundi Hervé Ascencio, professeur à l'Université Paris 1, représentant de la France devant la CIJ.
La délégation française plaidait lundi lors des audiences publiques pour tenter de démontrer l'incompétence de la Cour, avant que le camp équato-guinéen ne lui réponde mardi. Un deuxième tour de plaidoiries se tiendra mercredi et vendredi.
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A la requête de Malabo, le juge de la CIJ chargé de l'affaire, Abdulqawi Ahmed Yusuf, avait en 2016 prié la France de garantir jusqu'au terme du procès la protection des locaux parisiens situées sur la très chic avenue Foch et présentés par la Guinée équatoriale comme abritant sa mission diplomatique.
Lors des débats à la CIJ, la Guinée équatoriale s'était dite "profondément offensée par la manière injuste et insultante" dont elle était traitée en France.
La France avait, quant à elle, assuré que Malabo avait tenté de "déguiser un immeuble privé en un bien public à usage diplomatique".
En janvier, les relations entre les deux pays ont une nouvelle fois été éprouvées lorsque le ministre équato-guinéen des Affaires étrangères, Agapito Mba Mokuy, a affirmé que la tentative de "coup d'Etat" que Malabo a dit avoir déjoué en décembre avait été organisée en France.
Le ministre a toutefois exclu une implication des autorités françaises dans cette affaire qui comporte de nombreuses zones d'ombre.
Avec AFP