Ce sombre constat sur la situation sécuritaire en Afghanistan émerge quelques jours après des pourparlers directs entre les Etats-Unis et les talibans au Qatar pour achever une guerre de dix-sept ans.
D'après le rapport de l'Inspecteur général pour la reconstruction de l'Afghanistan (Sigar), à peine 53,8% des 407 districts du pays étaient gérés au 31 octobre 2018 par le gouvernement, mais des experts estiment que ce niveau est en réalité encore plus faible.
Selon des données fournies par la mission "Resolute Support" de l'Otan pilotée par les Etats-Unis en Afghanistan, 63,5% des Afghans vivaient à cette date dans des régions contrôlées par ou sous influence du gouvernement de Kaboul. Contre 65,2% en fin de trimestre précédent.
Le Pentagone a réagi au rapport du Sigar en considérant plus important de "se concentrer sur l'objectif principal de la stratégie de mettre fin à la guerre en Afghanistan dans des termes favorables à la fois pour l'Afghanistan et pour les Etats-Unis".
Des responsables ont évoqué les négociations avec les talibans engagées discrètement à l'été 2018. Après six jours de discussions au Qatar, l'émissaire américain pour la paix en Afghanistan Zalmay Khalilzad a mentionné lundi une "ébauche" d'entente.
Le Sigar a également souligné, pour illustrer la crise sécuritaire persistante, que les frappes aériennes américaines avaient fortement augmenté au cours des onze premiers mois de 2018: 6.823 bombes ont été larguées.
Ce "chiffre était déjà supérieur de 56% au nombre total de munitions lâchées en 2017 (4.361), et plus du quintuple du total de 2016", a précisé l'inspecteur général.
- Des effectifs afghans au plus bas -
Dans le même temps, les forces de sécurité afghanes se sont encore amenuisées avec un effectif de 308.693 à fin octobre 2018, soit 87,7% des postes pourvus. Au plus bas depuis janvier 2015.
Elles ont subi des pertes très importantes depuis qu'elles ont commencé à assumer il y a quatre ans la responsabilité de la sécurité du pays.
Le président Ashraf Ghani a indiqué la semaine dernière que 45.000 agents des forces de l'ordre avaient été tués depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2014.
Les troupes combattantes de l'Otan se sont retirées à la fin de cette année-là, la mission "Resolute Support" a pris le relais début 2015 mais elle ne fournit que formation, conseil et assistance.
Le Pentagone a également assuré que les constats du Sigar ne jetaient pas une ombre sur la stratégie du président Donald Trump. Le milliardaire républicain a annoncé en décembre son intention de retirer la moitié des 14.000 soldats américains déployés en Afghanistan.
"Des données en matière de contrôle de population ne sont pas un indicateur de l'efficacité de la stratégie en Asie du Sud ou de progrès vers la sécurité et la stabilité de l'Afghanistan", a relevé le ministère américain de la Défense, selon le Sigar.
M. Khalilzad n'a pas dévoilé le détail des discussions mais, selon lui, les talibans se sont engagés à ne plus offrir de base arrière à des extrémistes souhaitant lancer des attaques contre des pays étrangers. Ils continuent en revanche de refuser une requête cruciale de Washington: qu'ils parlent avec le gouvernement de Kaboul reconnu par la communauté internationale.
Les talibans considèrent qu'il n'est composé que de "marionnettes" entre les mains des Américains.
M. Ghani a mis en garde contre le risque de conclure un accord dans la précipitation, rappelant la recrudescence de violence après le départ des Soviétiques en 1989.
Le ministre américain de la Défense par intérim Patrick Shanahan a confié mardi que les tractations étaient "encourageantes". "Mais nous devons leur donner du temps et de l'espace", a-t-il relevé.
L'ancien ambassadeur américain dans plusieurs pays, dont l'Afghanistan, Ryan Crocker, a de son côté jugé mardi dans une tribune publiée par le Washington Post que ces négociations étaient synonymes de "reddition".
Selon lui, "les talibans vont offrir un certain nombre d'engagements, sachant que lorsque nous serons partis et que les talibans seront de retour, nous n'aurons les moyens de faire respecter aucun d'entre eux".
Avec AFP