Or c'est dans ces échoppes omniprésentes que sont écoulés, avec cigarettes et produits d'entretien, les trois quarts des huit millions de baguettes produites chaque jour dans cette ancienne colonie française d'Afrique de l'Ouest.
"Le ministère du Commerce vient d'interdire la vente de pain dans les boutiques. Une mesure prise pour limiter la propagation de l'épidémie", a indiqué le ministère en question mardi sur Twitter.
Le message a ensuite été nuancé par le ministère, semant le doute.
Interdire la distribution en épicerie toucherait directement nombre de Sénégalais, qui consomment en moyenne une demi-baguette par jour, selon les industriels réunis au sein de la Fédération des boulangeries du Sénégal.
Relativement bon marché - 150 francs CFA (22,5 centimes d'euro)-, la baguette se vend en boulangeries et grandes surfaces, mais aussi, à raison de 75% de la production, dans les petites épiceries, selon la Fédération.
Un coup d'oeil sur le fonctionnement d'un de ces magasins de quelques mètres carrés à Dakar révèle la préoccupation sanitaire. Le commerçant réceptionne bien les baguettes avec des gants. Mais peu après il les vend à un client enveloppées dans du papier journal. Ou, sans plus de gants, il les tartine d'une pâte chocolatée pour un autre acheteur.
Le gouvernement a décidé en décembre d'interdire la vente en épicerie pour des raisons d'hygiène. Cette décision est jusqu'à présent restée lettre morte, malgré les appels des industriels et des associations de consommateurs.
L'apparition du nouveau coronavirus début mars au Sénégal a semble-t-il poussé les autorités à serrer la vis. Une trentaine de cas de coronavirus ont été répertoriés, mais aucun décès rapporté, et le gouvernement a pris une série de mesures fortes.
Mercredi, on pouvait toujours acheter sa baguette chez l'épicier à Dakar, ont constaté des journalistes de l'AFP.
L'interdiction annoncée mardi est en fait une "recommandation" faite par la Fédération des boulangeries, "on travaille sur le dossier", dit le directeur du Commerce intérieur au sein du ministère, Ousmane Mbaye.
L'Etat a "reculé. Nous allons riposter", s'insurge le président de la Fédération des boulangeries, Amadou Gaye. Il invoque le transport du pain dans des sacs insalubres et des pousse-pousse, et sa manipulation à mains nues.
Interdire le pain dans les épiceries "sera compliqué pour nous", s'inquiète Mohamed Diallo, un commerçant guinéen de Dakar. Il craint le manque à gagner, de 10 à 15 francs CFA par baguette (1,5 à 2 centimes d'euro).
Abdoul Aziz Fall, lui, en serait "totalement satisfait". "Tous les moyens sont bons" pour combattre le coronavirus, tranche-t-il.
Les kiosques à pain, autrefois partout au Sénégal, ont depuis longtemps disparu et devraient être "recréés", souligne un autre Dakarois, Ousmane Sarr. "Sinon, ça va créer la bousculade dans les boulangeries et d'autres problèmes d'hygiène et de santé", dit-il.