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Le gouvernement gambien prêt à faire juger l'ancien président Yahya Jammeh


Yahya Jammeh vit aujourd'hui en exil en Guinée équatoriale, un pays sans accord d'extradition avec la Gambie.
Yahya Jammeh vit aujourd'hui en exil en Guinée équatoriale, un pays sans accord d'extradition avec la Gambie.

Le gouvernement gambien s'est dit prêt mercredi à faire juger, en Gambie même, l'ancien dictateur Yahya Jammeh et des dizaines de personnes accusées d'une multitude de crimes pendant ses plus de vingt ans à la tête de ce petit pays d'Afrique de l'Ouest.

Le gouvernement du président Adama Barrow a apporté un début de satisfaction aux attentes des victimes de la dictature ou de leurs proches, dont un certain nombre craignait que la justice ne soit sacrifiée à des commodités politiques.

Mais la comparution de M. Jammeh semble une perspective encore lointaine. L'ancien autocrate, dont c'était le 57ème anniversaire mercredi, vit en exil en Guinée Equatoriale et il n'y a aucun accord d'extradition entre les deux capitales. Entre la mise en place d'une cour spécialisée et la réforme des textes en vigueur, par exemple sur la torture, le gouvernement de ce pays pauvre et enclavé, aux ressources limitées, a préparé les esprits à un fastidieux parcours.

Le gouvernement a dit mercredi accepter de poursuivre les 70 personnes citées dans un rapport produit en novembre par une commission chargée de faire la lumière sur les méfaits perpétrés à l'époque. Cela concerne "notamment (...) l'ancien président Yahya Jammeh pour une myriade de crimes commis entre 1994 et 2017", a indiqué le ministère de la Justice dans un communiqué faisant référence à la période pendant laquelle M. Jammeh, lieutenant arrivé au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat militaire, a dirigé la Gambie d'une main de fer.

"La tâche la plus importante maintenant, c'est de veiller à ce que les recommandations soient respectées, appliquées, et non pas mises de côté comme ailleurs", a dit à l'AFP Fatoumatta Sandeng, porte-parole d'une coalition d'associations de victimes dont le père, un opposant, est mort en 2016 après avoir été arrêté et torturé.

"Nous ne sommes pas disposés à laisser l'impunité encourager les auteurs de crimes", a assuré le ministre de la Justice Dawda Jallow lors d'une cérémonie devant des organisations de victimes, la société civile, le monde politique et des diplomates. Les autorités ont répondu aux préconisations de la commission sous la forme d'un "Livre blanc" distribué aux participants à la cérémonie.

Pendant 22 ans, "les exécutions extrajudiciaires, le viol, la torture, les disparitions forcées et de nombreuses violations graves des droits de l'Homme ont été la marque de (la) junte militaire" de M. Jammeh; "avec ses complices, y compris les broussards et l'Agence nationale du renseignement, Yahya Jammeh s'est servi de ces instruments pour s'accrocher au pouvoir en semant la peur dans le coeur des Gambiens ordinaires", dit le Livre blanc.

Question de volonté

La commission a dénombré entre 240 et 250 personnes mortes entre les mains de l'Etat et de ses agents. Parmi elles figure le correspondant de l'AFP et grande figure de la presse nationale Deyda Hydara, assassiné le 16 décembre 2004 par les "broussards", hommes de main du régime.

La commission passait en revue les crimes commis, qu'il s'agisse de l'assassinat d'opposants, de répression des libertés de la presse ou de religion, d'anonymes tués par l'incurie du convoi présidentiel, jusqu'à l'administration contrainte d'un traitement bidon contre le sida. Le gouvernement a répondu point par point dans le Livre blanc, endossant des poursuites contre M. Jammeh pour une litanie de fait, mais aussi des propositions de réformes du système gambien.

M. Jammeh doit être poursuivi pour le meurtre du journaliste Hydara, abonde le gouvernement. Un parquet et un tribunal spéciaux seront créés, a annoncé le ministre. "Cette cour sera établie en Gambie", a-t-il dit. Parmi différentes options, la commission accordait sa préférence à une cour internationale basée hors de la Gambie dans un pays voisin.

Personne n'a encore été jugé en Gambie pour les crimes attribués au régime Jammeh. La présidence jugée ubuesque de M. Jammeh a pris fin avec sa défaite surprise à la présidentielle de décembre 2016 et son exil forcé en janvier 2017 sous la pression d'une intervention militaire ouest-africaine.

Son départ a ouvert la voie à une transition démocratique fragile dans ce pays anglophone de plus de deux millions d'habitants. M. Jammeh continue d'influer sur la vie politique. M. Barrow a été réélu en 2021 après un accord entre son parti et celui de M. Jammeh.

Reed Brody, avocat spécialiste de ces causes engagé au côté des victimes de l'ère Jammeh, a vu dans l'annonce gouvernementale "une avancée importante". "Les preuves sont là" et l'attente est forte en Gambie et à l'étranger, a-t-il déclaré. "C'est maintenant au gouvernement de faire la preuve par des actes concrets qu'il est déterminé à faire rendre des comptes aux coupables".

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