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La lutte contre les fausses croyances sur Ebola en RDC


Les agents de santé transportent un corps à Mangina, près de Beni, dans la province du Nord-Kivu, le 22 août 2018
Les agents de santé transportent un corps à Mangina, près de Beni, dans la province du Nord-Kivu, le 22 août 2018

L'armée des médecins et des ONG mobilisée contre le virus Ebola dans l'est de la République démocratique du Congo a relancé la guerre aux résistances, aux dénis et aux fausses croyances qui retardent la victoire finale face à l'épidémie.

Mardi après-midi, des notables de la ville de Béni sont descendus en urgence à la rencontre des habitants du quartier de Ndindi "devenu le principal foyer de l'épidémie avec 70% des 20 derniers cas rapportés".

C'est ce que constatait mercredi le bulletin du ministère de la Santé qui fait état d'un bilan actualisé de 85 morts, avec quatre nouveaux décès après une relative accalmie, dont trois à Beni.

"Quelques familles ont longtemps caché les personnes malades, ont refusé que les prestataires de soin amènent les malades au Centre de traitement d'Ebola et ont refusé d'être vaccinées. Plusieurs incidents violents à l'encontre du personnel médical et des structures de soin avaient également été rapportés", ajoute le ministère.

"Ebola, c'est la guerre", a lancé le coordinateur de la riposte anti-Ebola, Ndjoloko Tambwe Bathé, après avoir longuement écouté les habitants de Ndindi.

Dans la salle, des résistances s'expriment à voix haute.

"Est-ce que le fait de vomir ou d'avoir la fièvre ne vient pas d'un autre virus qu'Ebola? Est-ce que les examens sont fiables pour nous confirmer que c'est Ebola? Pourquoi Ebola ici ne provoque pas de saignement?", s'interroge un des intervenants.

"La population est dans le doute", reconnaît devant l'AFP un autre participant, Edouard Karafuli, 21 ans, résumant en français sa longue intervention en swahili face aux autorités.

"Quand il y a un malade, il est dépêché à l'hôpital général et nous ne savons plus où il va. Il se peut qu'il y ait certaines parties de son corps qui soient retranchées et, après cela, on ramène le cadavre", avance le jeune homme, porte-parole des inquiétudes entendues autour de lui.

Au coeur de tous les malentendus: les enterrements. Pour éviter les contaminations, la Croix-Rouge organise des "enterrements dignes et sécurisés" pour éviter le moindre contact avec le corps et ses fluides.

Ces "EDS" ne sont pas toujours compris par des communautés attachées à leurs rites funéraires (toilettes mortuaires, présence des proches...).

"On nous a promis d'enterrer nos cadavres selon nos coutumes. Mais cela n'est pas réalisé. Quand il y a des gens de la Croix rouge dans le quartier, nous leur jetons des pierres, parce qu'ils ne veulent pas nous amener des preuves de cette maladie", poursuit le jeune homme.

A Beni, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et les ONG font appel à des anthropologues pour comprendre les "réponses émotionnelles des communautés" face à l'épidémie.

Les "vainqueurs d'Ebola" à la rescousse

Face aux rumeurs, fausses croyances, malentendus culturels et cultuels, les autorités congolaises et leurs partenaires s'appuient aussi sur les patients qui ressortent vivant des centres de traitement, les "vainqueurs d'Ebola".

"Nous les guéris, nous avons beaucoup de messages à transmettre dans la communauté", affirme l'un d'eux, Jotham Kyungolo, un infirmier de 40 ans contaminé dans l'exercice de ces fonctions à Mangina, l'épicentre de l'épidémie à 30 km de Beni.

"Certains disaient, et pensent encore, qu'au Centre de traitement d'Ebola, les gens ne mangent pas et que beaucoup meurent de faim. Ce qui n'est pas une réalité", poursuit le père de famille sorti il y a quatre jours du CTE.

"Nous devons montrer comment les traitements sont organisés là-bas pour que les gens aient le courage d'aller au Centre lorsqu'ils se sentent déjà malades", affirme l'infirmier-survivant, enrôlé par Oxfam et l'Unicef dans leur action de sensibilisation.

En sait-on jamais assez sur la maladie? Assise à ses côtés, sa femme a demandé discrètement à des humanitaires si la reprise d'une vie conjugale normale demandait 21 jours ou trois mois.

"Certaines consignes en rapport avec la vie conjugale nous ont été transmises", reconnaît l'infirmier. Lesquelles? "C'est confidentiel", sourit-il.

Comme tous les "vainqueurs d'Ebola", Jotham a été ramené chez lui dans un camion sonorisé qui traverse la ville en dispensant des chansons, des messages et des numéros gratuits contre l'épidémie, à l'initiative d'ONG comme Oxfam.

"Il y a des rumeurs: il faut enlever ces rumeurs de la tête des gens. Vous allez nous aider", s'enflamme le DJ-sensibilsateur, Germain Kahoko, au micro de sa sono saturée.

"Les tendances récentes suggèrent que les mesures de contrôle marchent", s'est félicitée mardi l'OMS dans un communiqué bien moins alarmiste que les précédents.

"Il existe toujours des risques significatifs", parmi lesquels "les réticences de certaines communautés pour adopter des comportements de prévention", ajoute l'OMS, qui se veut rassurante: "L'acceptation générale des interventions anti-Ebola par les communautés est forte".

Avec AFP

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