Interrogés sur l'élection du prochain occupant de la Maison Blanche, les employés d'un salon de coiffure de Dokki, un quartier de classes moyennes du Caire, se regardent l'air confus.
Deux d'entre eux ont même admis qu'ils ignoraient qui était candidat.
"Nous suivons ce qui se passe ici, c'est plus qu'assez pour nous", s'esclaffe Mona, l'une des employées, faisant référence à la crise économique actuelle en Egypte.
Un autre employé explique qu'il ne sait que "peu" de choses sur l'affrontement entre Hillary Clinton et Donald Trump. "Ce que je sais, c'est que Trump est hostile aux musulmans", dit-il.
Huit ans après l'élection de Barack Obama, suivie de près par les Egyptiens, les révolutions, le malaise économique ou le terrorisme ont fait passer au second plan la politique américaine.
Près du zoo du Caire, trois étudiants avouent timidement ne pas suivre la campagne présidentielle.
"Je pense que le monde arabe est préoccupé par sa propre crise existentielle et peu de gens ont vraiment réfléchi aux conséquences de l'élection du prochain président américain sur leur vie", estime Hend Amry, une écrivaine américano-libyenne vivant au Qatar.
Selon un sondage publié jeudi par le quotidien saoudien Arab News et l'institut de recherche YouGov, 47% des personnes interrogées (parmi des citoyens du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord) déclarent qu'elles ne voteraient ni pour la démocrate Clinton ni pour le républicain Trump si on leur donnait la possibilité de participer au scrutin du 8 novembre.
Accusations
A Bagdad, une ville marquée par plusieurs années de présence américaine après la chute de Saddam Hussein en 2003, les clients d'un café ont eux suivi plus sérieusement la campagne américaine.
Haidar Hassan, 27 ans, fustige les républicains pour l'intervention américaine désastreuse en Irak sous le président George W. Bush, tout en assurant qu'il soutient quand même Donald Trump.
"Même si les Irakiens souffrent à cause des républicains et de leur invasion, je pense que Trump est plus ferme dans le combat contre le terrorisme", soutient-il.
Pour Moustafa al-Rubaei, "les démocrates sont plus raisonnables" car, souligne-t-il, les Américains se sont retirés d'Irak sous le président démocrate Barack Obama.
Selon un autre sondage, publié mardi et réalisé par l'institut de recherche Arab Center Washington DC (ACW) dans huit pays arabes et les Territoires palestiniens, Mme Clinton a une meilleure image que M. Trump. 66% des personnes interrogées déclarent préférer qu'elle devienne la prochaine présidente.
Dans une épicerie du Caire, le patron Karem Mohamed, se lance dans une défense de Mme Clinton. Mais il est rapidement interrompu par son collègue: "Non, elle est avec les frères musulmans! C'est une collaboratrice", lance Mahmoud Abdel Al.
Pour beaucoup d'Egyptiens, l'ancienne secrétaire d'Etat est perçue comme ayant soutenu l'ancien président islamiste Mohamed Morsi, au pouvoir pendant un an au Caire avant que l'armée ne le dépose en 2013.
Sa destitution, condamnée par Washington comme anti-démocratique, avait été suivie, dans la presse égyptienne, par des accusations de "complot" américain pour diviser le Moyen-Orient.
Mme Clinton a répondu à ces accusations en 2014 dans son livre "Le temps des décisions", qui a tout de même fait polémique en Egypte.
Outre un commentaire du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi assurant que M. Trump serait "un bon dirigeant", l'Egypte est restée discrète sur l'élection américaine.
De l'autre côté de la mer Rouge, les Etats du Golfe sont plutôt favorables à Hillary Clinton, selon l'analyste émirien Abdel Khaleq Abdullah.
Mme Clinton a "la connaissance des problèmes de la région", assure-t-il.
Des pays comme l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis se sont opposés au rapprochement entre Washington et Téhéran initié par l'administration Obama. Et ils espèrent que leur successeur sera plus ferme.
Toutefois, l'écrivain saoudien Jamal Khasshoggi estime que Mme Clinton "a une idée meilleure et plus claire de la politique étrangère et l'Arabie saoudite". "Avec Trump c'est l'imprévisibilité totale", juge-t-il.
Avec AFP