Les deux parties se sont réunies samedi pour la deuxième journée consécutive, mais la rencontre a été assombrie par la mort de huit personnes à Managua, dont six dans l'incendie de leur maison provoqué par des hommes armés.
Les délégations ont décidé de reprendre leurs discussions lundi, pour notamment examiner une proposition formulée par l'Eglise catholique - qui joue le rôle de médiateur - prévoyant d'organiser des élections générales anticipées en mars 2019, soit deux ans avant l'échéance prévue.
Les évêques proposent également une réforme constitutionnelle qui entrerait en vigueur dès cette année et qui empêcherait le chef de l'Etat de briguer un nouveau mandat.
Six des victimes de samedi, dont deux enfants, étaient les membres d'une même famille, dont la maison a été incendiée par des cocktails Molotov lancés par des hommes encagoulés, a indiqué la police. Une femme et un enfant ont survécu en se jetant d'un balcon.
Ce drame a été condamné aussi bien par l'opposition que par le gouvernement, qui s'en sont rejeté mutuellement la responsabilité.
"Une nouvelle fois, des policiers, des milices, et des gens affiliés au gouvernement sont responsables de ces attaques", a dénoncé Michael Healy, porte-parole de l'Alliance citoyenne pour la justice et la démocratie, qui regroupe des étudiants, des chefs d'entreprise, et des représentants de la société civile, et qui veulent le départ du président Daniel Ortega.
De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Denis Moncada, a imputé l'incendie à des manifestants et la Première dame, Rosario Murillo, a rejeté la responsabilité du gouvernement qualifiant ces crimes de "monstruosité".
Des centaines de personnes ont enterré dimanche à Managua la famille assassinée, tenant pour responsables des groupes soutenus par la police. "J'ai vu la camionnette avec la police et toutes les armes moi-même. J'ai sauté du balcon et ils ont quand même essayé de me tuer mais ils n'ont pas pu (...) les enfants criaient à l'aide", a raconté lors des funérailles une survivante, Cinthia Velázquez.
"Gouvernement menteur, hypocrite, quittez le pouvoir salauds qui attaquent le peuple", criait la foule en colère.
Ce massacre, décrit comme le plus brutal au Nicaragua depuis le début des manifestations, a été condamné par l'Organisation des États américains (OEA) comme un crime contre l'humanité.
Les deux autres victimes décédées samedi ont été attaquées alors qu'elles dégageaient une barricade dressée sur une route, a indiqué la police dans un communiqué.
- Accord -
Ces nouveaux incidents violents surviennent alors que le gouvernement et l'opposition avaient trouvé vendredi un accord autorisant des observateurs des droits de l'homme à venir enquêter sur les violences.
Les représentants de l'opposition avaient de leur côté accepté une demande clef du pouvoir du président Ortega : un plan visant à lever les blocages qui entravent les routes pour empêcher les forces anti-émeutes de passer, selon la conférence épiscopale.
Ce dialogue "ouvre la possibilité, au moins théoriquement, d'aborder le thème de la démocratisation", dont la portée dépendra de la volonté de M. Ortega de respecter les accords, estime l'avocat et économique Enrique Saenz, dissident du gouvernement sandiniste.
Mais pour le sociologue et analyste indépendant Oscar René Vargas, le président Ortega essaie "de gagner du temps" et de changer le rapport de force en sa faveur, via une répression accrue. Selon lui, le chef de l'Etat ne claquera pas la porte des pourparlers, mais poussera l'opposition à en partir et à ne pas respecter les accords qui pourraient en sortir
L'opposition exige depuis deux mois le départ du président Daniel Ortega, 72 ans, "héros" de la révolution sandiniste qui a dirigé le pays de 1979 à 1990 après avoir évincé le dictateur Anastasio Somoza, et qui est revenu au pouvoir depuis 2007.
Le chef de l'Etat s'est dit prêt à travailler à une démocratisation du pays, mais n'a pas dit s'il consentirait à écourter son mandat, valable théoriquement jusqu'en janvier 2022.
Le Nicaragua, pays le plus pauvre d'Amérique centrale, a basculé dans le chaos après la répression le 18 avril des manifestations contre l'insécurité sociale qui ont fait au moins 178 morts.
Avec AFP