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Le Nigeria, au coeur de la circulation d'armes illégales dans une région instable


Un point de contrôle de la police a l'entrée de l'université, dans le nord-est du Nigeria, 2018. (VOA/Chika Oduah).
Un point de contrôle de la police a l'entrée de l'université, dans le nord-est du Nigeria, 2018. (VOA/Chika Oduah).

La hausse de la circulation d'armes illégales au Nigeria alimente une recrudescence de la violence dans ce géant de 180 millions d'habitants, aggravant une situation sécuritaire déplorable aux quatre coins du pays.

Les islamistes de Boko Haram, dont l'insurrection a fait au moins 20.000 morts dans le nord-est depuis 2009, reçoivent depuis longtemps des armes introduites clandestinement depuis l'Afrique du nord, et notamment la Libye.

Mais ces derniers mois, des armes officiellement interdites dans le pays ont aussi été utilisées dans les conflits qui opposent les éleveurs nomades et les agriculteurs dans la ceinture fertile au centre du Nigeria et qui ont fait des centaines de morts depuis le début de l'année.

Plus largement, la situation sécuritaire est inquiétante. Les enlèvements, les vols à main armée et les groupes criminels demeurent une menace dans le sud-est et le nord du pays.

"Sans les armes à feu (...), nous n'aurions pas de vagues de violences de l'ampleur que nous connaissons aujourd'hui", avait déclaré le ministre de l'Intérieur Abdurrahman Dambazau dès le mois de janvier.

En avril, le commissaire de police de l'Etat de Kano, Rabiu Yusuf, s'est engagé à "les mettre hors de circulation pour assurer la paix et la sécurité".

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Mais cela reste un grand défi. Le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement (UNREC) estime que plus de 350 millions d'armes légères et de petit calibre (pistolets, fusils d'assaut, armes semi-automatiques...) circulent au Nigeria.

Cela représentait environ 70% des 500 millions d'armes de ce type présentes dans toute la région de l'Afrique de l'Ouest, selon le directeur de l'UNREC, Anselme Yabouri.

Les forces de sécurité nigérianes parviennent à saisir de manière périodique des cargaisons d'armes, comme le 31 mai dernier, où des soldats en patrouille dans le sud-ouest ont intercepté trois camions de caisses de munitions en provenance du Bénin voisin.

Mais avec environ 4.000 kilomètres de frontières - et en immense majorité poreuses - le Nigeria peine à endiguer ce flot.

- Armes du Tchad et de Libye -

Au Nigeria, les civils n'ont pas le droit de posséder des armes à feu, sauf à de très rares exceptions. Mais la chute du président libyen Mouammar Kadhafi en 2011 a ouvert la voie aux "armes de guerre sophistiquées", selon le président Muhammadu Buhari, se retrouvant entre les mains d'éleveurs nomades qui ne portaient auparavant que des bâtons et des machettes.

Pour l'analyste en sécurité Babaji Katagum, la situation en Libye n'est toutefois qu'une "explication parcellaire".

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"Le Tchad a longtemps été une source importante d'armes illégales pour les criminels nigérians, y compris Boko Haram", a déclaré à l'AFP cet ancien capitaine de l'armée nigériane.

Le Tchad, voisin du Nigeria, a connu des séries de conflits au cours des 30 dernières années et les armes des groupes différents rebelles circulent également dans la région, a déclaré M. Katagum.

Le Nigeria, le Niger et le Tchad se sont engagés à joindre leurs efforts dans une force conjointe de lutte contre la contrebande d'armes et le trafic de drogues dans la région du lac Tchad dès 1998.

Mais la région est trop vaste, troublée et reste peu accessible par manque d'infrastructures.

- Saisies à répétition -

D'autre part, les cartels utilisent également les ports pour importer des armes, remplissant des containers entiers de matériel militaire.

En septembre 2017, les agents des douanes de la capitale économique, Lagos, ont saisi 470 fusils à pompe étiquetés comme fournitures de plomberie dans un conteneur en provenance de Turquie.

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2.700 armes de ce type avaient été saisies en l'espace de neuf mois, avait alors déclaré le contrôleur général des douanes, le colonel Hameed Ibrahim Ali.

En mai dernier, le chef de la police fédérale nigériane, Ibrahim Idris, a également annoncé que quelque 4.000 armes à feu illégales avaient été interceptées dans tout le pays en trois mois seulement.

Les autorités ont également détruit près de 6.000 armes dans le cadre d'une amnistie dans le nord de l'État de Zamfara.

Mais ces découvertes restent une goutte d'eau à l'échelle du Nigeria. "Toutes ces saisies ne sont qu'une fraction insignifiante de l'énorme flux d'armes illégales qui transitent par nos ports", confie un douanier.

"Nous n'avons pas la capacité de vérifier le contenu de toutes les importations de conteneurs", a-t-il ajouté sous couvert de l'anonymat. "Nous dépendons seulement de notre flair et de notre instinct".

Avec AFP

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