"Il n'est pas exclu que le désormais ex-Premier ministre, réputé fidèle au président de la République (...), soit mis en réserve de la République en perspective de la succession", écrit l'éditorialiste du quotidien francophone Liberté, Outoudert Abrous.
Le nouveau Premier ministre Abdelmadjid Tebboune, qui a pris officiellement ses fonctions jeudi, est considéré lui aussi comme un proche du chef de l'Etat. M. Bouteflika l'avait nommé au gouvernement dès son arrivée au pouvoir en 1999.
M. Bouteflika, 80 ans, a été victime en 2013 d'un accident vasculaire cérébral (AVC) qui affecte sa mobilité et son élocution mais, selon ses proches, il n'a pas pour autant écarté l'éventualité d'une candidature à la prochaine présidentielle en 2019.
Paradoxalement, c'est depuis son AVC qu'il a renforcé davantage ses pouvoirs en dissolvant début 2016 le tout-puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS, services secrets) après avoir congédié son chef, le général Mohamed Médiène dit Toufik.
Pour le politologue Rachid Tlemçani, l'éviction de M. Sellal est une sorte de "repos du guerrier". "On va lui donner un poste pour qu'il se repose et recharge ses batteries avant de revenir en force pour un poste plus important que celui de Premier ministre", prédit-il.
Le quotidien El Watan relève qu"'aucun responsable du gouvernement ne doutait du maintien du Premier ministre", qui, lui-même, gardait "un tempérament de sérénité et d'assurance, même s'il savait que son destin n'était pas entre ses mains".
- 'Changement de façade' -
M. Sellal a réagi à son éviction sur sa page Facebook.
"La mission que m'a confiée le président de la République (...) le 3 septembre vient de s'achever. A mon ami Abdelmajid Tebboune, j'ai transmis le flambeau. Il a les capacités pour réussir", a écrit l'ex-Premier ministre.
M. Sellal a également exprimé sa reconnaissance à l'homme grâce auquel il est entré en politique il y a 18 ans et qui lui a confié la direction de ses campagnes électorales à trois reprises (2004, 2009 et 2014).
"Ma profonde gratitude et estime va au président Abdelaziz Bouteflika qui m'a tant fait confiance et qui a tout donné pour que l'Algérie vive éternelle", a souligné M. Sellal.
La nomination de M. Tebboune n'est qu'un "changement de façade entrant dans le cadre de la logique du système", analyse de son côté la politologue Louisa Aït-Hamadouche.
"M. Sellal n'a commis aucun faux pas pouvant justifier son éviction. Il a accompli la mission que lui avait confiée le régime avec brio. C'est pourquoi il sera fatalement appelé à une autre fonction", estime Mme Aït-Hamadouche.
La politologue souligne aussi que dans les régimes "hybrides" (ni dictatorial ni démocratique) comme en Algérie, "on cherche à donner l'impression d'un changement". "C'est pour cela que le départ de Sellal ne peut pas être perçu comme une sanction."
L'ancien Premier ministre a fait des déclarations "révélatrices de son ambition présidentielle" mais celle-ci reste tributaire de la caution des décideurs, car le régime fonctionne selon la logique de la désignation", affirme encore Mme Aït-Hamadouche.
Outre M. Sellal, le frère et conseiller du chef de l'Etat, Saïd Bouteflika, ainsi que le patron de l'armée et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, sont cités comme potentiels candidats à la succession de président.
"Le choix du successeur de M. Bouteflika ne se fera pas tout de suite car il y a une lutte terrible entre les différents groupes du sérail et entre les groupes qui ont main basse sur l'économie" du pays, estime M. Tlemçani.
Il fait allusion à la corruption qui gangrène les entreprises publiques, au moment où le pays est confronté à une crise financière due à la chute des prix des hydrocarbures, sa principale recette.
Avec AFP