Tandis que les combats faisaient rage lundi près de la capitale entre des groupes supposés loyaux au gouvernement de Tripoli, le président français Emmanuel Macron réaffirmait sa détermination à faire avancer l'accord conclu en mai à Paris, qui prévoit d'organiser des élections en décembre.
Des analystes avaient estimé que la fragmentation du pays, l'insécurité et l'absence à Paris de certains acteurs influents sur le terrain rendaient les promesses fragiles.
Depuis son installation à Tripoli en mars 2016, le gouvernement d'union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale, ne parvient pas à asseoir son autorité sur des pans entiers du pays, qui reste sous la coupe de dizaines de milices.
Sur le plan politique, le GNA, dirigé par Fayez al-Sarraj, fait face à l'hostilité persistante du Parlement élu en 2014, basé dans l'est (Tobrouk) tout comme le gouvernement parallèle appuyé par les forces du maréchal controversé Khalifa Haftar.
- "Echec flagrant" -
Comme les autorités de transition qui l'avaient précédé après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, le GNA n'a pas été en mesure de former des forces de sécurité régulières.
Les milices "ont pris le pouvoir en Libye sans être dérangées par aucune institution officielle. Au contraire, elles ont été légitimées" par les gouvernements successifs, déplore Federica Saini Fasanotti, de la Brookings Institution basée à Washington.
"Ces groupes armés sont tellement puissants qu'ils menacent ceux qui sont censés les gouverner", souligne-t-elle.
Dans ce cadre, deux de ces milices, techniquement liées au GNA, se sont affrontées lundi à l'artillerie lourde dans des quartiers résidentiels aux portes de la capitale, faisant au moins cinq morts et 33 blessés.
Ces affrontements "illustrent l'échec flagrant des mesures sécuritaires prévues par l'accord politique (interlibyen, signé au Maroc fin 2015) afin de démanteler les milices et débarrasser les grandes villes des armes lourdes", affirme Khaled el-Montasser, professeur de relations internationales à l'université de Tripoli.
"Il faut mettre en place une force de sécurité spéciale avec pour mission la protection des institutions étatiques et la préparation d'un climat propice à la tenue des élections. (...) Dans la conjoncture actuelle, il serait impossible d'organiser ne serait-ce que des élections municipales, surtout à Tripoli", avance-t-il.
Le facteur "sécuritaire est un élément primordial pour la tenue d'élections et, par conséquent, il est dérisoire de compter sur des chefs de groupes armés incapables de contrôler leurs propres hommes", ajoute Imad Jalloul, chercheur libyen dans les affaires politiques.
- Réseaux criminels -
Dans un rapport récent intitulé "capitale des milices", Small Arms Survey, une ONG spécialisée dans l'analyse des conflits armés basée à Genève, a estimé que "les grandes milices tripolitaines se sont transformées en réseaux criminels à cheval sur la politique, les affaires et l'administration".
"Elles ont infiltré la bureaucratie et sont de plus en plus en mesure de coordonner leurs actions à l'intérieur des différentes institutions publiques. Le gouvernement est impuissant".
Ces milices sont en mesure d'empêcher la tenue de toute élection si elle ne sert pas leurs intérêts, selon des analystes.
Sur le plan politique et législatif, quasiment rien n'a été fait pour remplir les engagements pris à Paris prévoyant l'adoption d'une "base constitutionnelle pour les élections" et les "lois électorales" avant le 16 septembre 2018.
Plusieurs acteurs libyens exigent l'adoption préalable d'un projet de constitution, qui doit faire l'objet d'un référendum, pour éviter une nouvelle période de transition.
Mais, depuis juin, le Parlement élu, établi dans l'est, n'a pas été en mesure d'adopter une loi sur le référendum.
Lundi encore, cette assemblée a échoué à réunir le nombre nécessaire de députés pour l'adoption de cette loi qui fait l'objet de controverses.
Le président du parlement élu, Aguila Salah, a averti que si le quorum n'était pas atteint une nouvelle fois lundi prochain, il appliquerait une décision de cette assemblée datant de 2014, prévoyant l'élection d'un président "intérimaire".
Les décisions de ce parlement sont toutefois contestées par ses rivaux de l'ouest et ont donc de faibles chances d'aboutir, en l'absence d'un consensus, notent des analystes.
Avec AFP