Les audiences doivent se succéder pendant trois semaines, jusqu'au 16 avril. Une quarantaine de parties civiles, familles des soldats tués ou blessés notamment, mais aussi de nombreux militaires et d'anciens ministres français sont attendus, ou au moins convoqués, à la barre.
"Qui a ordonné ce bombardement ? Nous voulons enfin connaître la vérité. Le silence des autorités françaises dans ce dossier est dramatique", ont déclaré à l'AFP avant l'ouverture des débats les enfants de Philippe Capdeville, une des victimes.
"Depuis quinze ans, il y a énormément de questions dans ce dossier, et des réponses qu'on n'a jamais voulu donner", a déploré de son côté Me Jean Balan, avocat d'une trentaine de parties civiles.
Le 6 novembre vers 13h20, deux chasseurs de l'armée loyaliste ivoirienne, qui tentait de reprendre le contrôle du nord du pays aux rebelles, ont bombardé à Bouaké un camp militaire des forces françaises, chargées de faire tampon entre les deux camps ivoiriens pour éviter une guerre civile.
Cette attaque surprise tue 9 soldats français et un civil américain et fait une quarantaine de blessés. En représailles, Paris détruit le jour même l'ensemble de l'aviation militaire ivoirienne, enflammant les relations avec son ancienne colonie, historiquement très proche.
Trois hommes soupçonnés d'être les pilotes des chasseurs ivoiriens sont poursuivis pour assassinat: le Biélorusse Yury Sushkin et les Ivoiriens Ange Magloire Gnanduillet Attualy et Patrice Ouei. Ils encourent la réclusion à perpétuité mais seront jugés en absence, car ils ont fui et n'ont jamais été arrêtés.
L'enquête n'est pas parvenue à répondre aux questions qui hantent les familles de victimes depuis quinze ans: qui a donné l'ordre de bombarder les Français et pourquoi ?
Les enquêteurs ont examiné le rôle de trois ministres de l'époque, Michèle Alliot-Marie (Défense), Dominique de Villepin (Intérieur) et Michel Barnier (Affaires étrangères), cités à comparaître comme témoins.
Les ministres et l'état-major français ont toujours privilégié l'hypothèse d'une "bavure" ivoirienne.
Côté parties civiles, le sentiment d'un fiasco judiciaire nourrit l'amertume, voire la colère. Et parfois le soupçon d'une "manipulation" ou d'une "barbouzerie" française destinée à déclencher une réaction de Paris et à provoquer la chute du président ivoirien de l'époque, Laurent Gbagbo.