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Le scandale de dopage, ombre sur les ambitions sportives du Kremlin


La médaille d'argent Larissa Lazutina, de l'équipe russe, la médaille d'or Olga Danilova, également Russe, et la médaille de bronze, la Canadienne Beckie Scott au JO d'hiver, le 15 février 2002.
La médaille d'argent Larissa Lazutina, de l'équipe russe, la médaille d'or Olga Danilova, également Russe, et la médaille de bronze, la Canadienne Beckie Scott au JO d'hiver, le 15 février 2002.

Une exclusion de la Russie aux prochains jeux Olympiques pour dopage risque d'assombrir les rêves de Vladimir Poutine d'imposer son pays comme puissance sportive... mais lui fournit aussi une arme rhétorique contre les Occidentaux.

Le Comité international olympique (CIO) se réunit mardi pour décider de la participation ou non des athlètes russes aux Jeux d'hiver organisés en février à Pyeongchang, en Corée du Sud.

Un refus ressemblerait à un cinglant revers pour Moscou, qui a investi des dizaines de milliards de dollars pour accueillir en 2014 les JO les plus chers de l'histoire dans la station balnéaire de Sotchi. Le pays hôte avait même terminé à la première place du tableau des médailles... avant que les cas avérés de dopage ne viennent tout bouleverser.

Une telle "humiliation", comme a qualifié Vladimir Poutine l'éventualité d'une exclusion, viendrait au moment où la Russie se prépare à accueillir l'événement sportif le plus suivi de la planète: le Mondial de football dont le tirage au sort s'est déroulé vendredi au Kremlin.

"Le sport est une manne immense en termes de médiatisation et de politique, et Sotchi était essentiel pour l'image du pays", rappelle Sergueï Medvedev, professeur à la Haute école d'Economie de Moscou, qui estime que la Russie a pu organiser un système de dopage pour garantir une victoire à Sotchi.

"Le scandale le plus retentissant de l'histoire du mouvement olympique a suivi, poursuit-il. C'est un coup très dur pour le sport russe".

Depuis la sortie en 2016 du rapport McLaren, commandé par l'Agence mondiale antidopage (AMA) et révélant un système de dopage institutionnalisé dans le pays, la Russie a donc perdu un tiers de ses médailles, 11 sur 33, dont quatre titres.

Mauvais signe pour la suite: fin novembre, la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) a prolongé la suspension de la Russie et l'AMA a confirmé la mise au ban de l'agence antidopage russe (Rusada).

Moscou a toujours réfuté la dimension institutionnelle du système révélé par l'enquête McLaren. Ses services d'enquête accusent l'ancien patron du laboratoire antidopage de Moscou, Grigori Rodtchenkov - à l'origine des premières révélations sur le système et sous le coup d'un mandat d'arrêt russe - d'avoir dopé de sa propre initiative les sportifs à leur insu.

Certains experts notent cependant que si une absence à Pyeongchang assombrirait les ambitions sportives de Vladimir Poutine, le Kremlin pourrait utiliser cette ostracisation pour renforcer sa rhétorique anti-Occidentale.

'Guerre avec le monde entier'

Vendredi, le vice-Premier ministre russe Vitali Moutko a assuré que les accusations de dopage contre la Russie visaient à la rattacher à un "axe du mal" et de faire du pays "une sorte de monstre".

Début novembre, le président Poutine déclarait déjà que les accusations de dopage avaient été orchestrées par les Etats-Unis pour nuire au déroulement de la présidentielle de mars 2018 en Russie.

Pour Sergueï Medvedev, "ce qui se passe apporte une nouvelle preuve au Kremlin que la Russie est en guerre avec le monde entier".

Pour Tatiana Stanovaïa du Centre des Technologies politiques, le président russe estime que la grande majorité des athlètes se dopent et que la Russie est traitée en bouc émissaire. "Poutine pense qu'il ne s'agit pas de dopage mais d'un parti pris contre la Russie", explique-t-elle à l'AFP.

Une mise au ban des athlètes russes pourrait même, selon elle, jouer en la faveur du président russe, de la même façon que sa popularité avait augmenté à la suite des sanctions contre la Russie après l'annexion de la Crimée en mars 2014.

A quoi bon les JO?

"Les décisions (du CIO) sont affectées par une atmosphère politique empoisonnée", regrette Anton Orekh, chroniqueur à la radio d'opposition Echo de Moscou.

"Nous doutons que les athlètes russes et le sport russe aient le droit de nos jours à un procès équitable", renchérit Evgueni Slioussarenko, rédacteur en chef adjoint du site d'informations sportives Championat.com.

Plusieurs chaînes de télévision publiques russes ont prévenu qu'elles ne retransmettraient pas les JO de Pyeongchang si les sportifs russes étaient écartés de la compétition.

"Pourquoi avons-nous besoin des JO ? Est-ce qu'ils unissent qui que ce soit ces derniers temps ? Est-ce qu'ils promeuvent la paix dans le monde ?", s'est interrogé le chroniqueur du journal Sovietski Sport Dmitri Ponomarenko. "Le sport professionnel est désormais dans mon esprit étroitement lié aux jeux politiques, aux fraudes, médisances, mensonges et autres saletés", a-t-il ajouté.

Les Russes préfèrent se focaliser sur le Mondial de foot qu'accueillera leur pays du 14 juin au 15 juillet 2018 et qui permettra de redorer peut-être leur blason de puissance sportive.

"Notre pays attend avec impatience le championnat", a ainsi déclaré vendredi Vladimir Poutine lors de la cérémonie du tirage au sort de la Coupe du Monde en Russie, promettant "une fête sportive grandiose".

Avec AFP

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