Au Gabon, petit pays pétrolier de moins de deux millions d'habitants où 30% de la population vit sous le seuil de pauvreté, les jeunes sont parmi les plus frappés par un chômage grandissant depuis la chute brutale des prix du baril en 2014, même si celui-ci est depuis reparti à la hausse.
Dans les "mapanes" ou les "PK" - les quartiers défavorisés de Libreville ou Port-Gentil, la capitale économique gabonaise - il n'est pas rare de voir de jeunes désœuvrés s'adonner au "mbaki" (la drogue en tolibangando) ou aux "chibas" (petits vols).
"Nous avons créé notre propre langage. C'est un langage codé", témoigne Marley, ancien "enfant du ghetto", qui assure "avoir déposé les armes" en 2005 pour se ranger dans le négoce et le petit commerce. "Il fallait passer inaperçu, il y a certaines choses que nous faisions et nous ne voulions pas que tout le monde sache", explique-t-il.
Aujourd'hui encore, les "niens" (policiers) et les "ndoss" (petits bandits) continuent à jouer au chat et à la souris.
Le tolibangando, langue très imagée parlée par la majorité des jeunes des quartiers, démembre le français et le mélange à l'anglais ou à des langues vernaculaires comme le pounou, le mpongwe, le fang.
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"Toli" signifierait parler et "gando" voudrait dire crocodile, analyse le linguiste Eric Dodo Bounguendza, auteur d'un "Dictionnaire du parler tolibangando". Les préfixes "ba" et "n" rattachent les deux mots, détaille-t-il.
Ce langage s'est affirmé avec la naissance d'une jeunesse urbaine et l'apparition de la petite criminalité au Gabon, où la majorité de la population vit en ville.
"Dans les années 80, il y a d'abord eu le coolmanger's. C'étaient des étrangers organisés en bandes qui semaient la terreur dans la ville. Puis, des jeunes Gabonais partis du village pour la ville et qui ne trouvaient pas d'emploi ont suivi le mouvement", indique Franck-Noël Mackosso, alias "No", slameur du Gabon.
- "Goudronniers" -
"Dans les années 90, on a vu naître les +bangandos+ qui ont baigné dans la culture urbaine avec un style de vie anticonformiste", ajoute-t-il.
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Et de nos jours, "la troisième génération est celle des +goudronniers+ qui exalte bien le vécu et la dure réalité de ces jeunes qui marchent au quotidien sur le goudron", explique No.
Ils sont "beaucoup plus jeunes, adeptes de drogues dures et réagissent pour un rien. Ils utilisent des machettes, heureusement qu'il n'y a pas vraiment d'armes à feu au Gabon", s'alarme le slameur.
"Un +goudronnier+ se définit par l'oisiveté, la pauvreté, le besoin de se sentir exister", explique de son côté "Mao de la Sorbonne", qui se voit comme un "grand frère de quartier".
"L'Etat et la société ne s'impliquent pas assez dans la formation des jeunes", affirme Mao qui organise avec le slameur No des représentations de rap et de slam dans les quartiers.
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"Quand j'étais jeune, on avait des stades dans le quartier où on jouait au foot", se souvient Marley, qui a dépassé la trentaine. Il déplore le manque d'activités culturelles ou sportives dans les zones défavorisées.
"Les petits de 7 à 15 ans se retrouvent à leur QG pour fumer, puis braquer le soir", affirme-t-il. "Pourtant, ce ne sont pas des enfants des rues, ils ont des parents et un foyer. Mais c'est la misère, la facilité et pour +faire comme les autres+".
La situation des jeunes s'est beaucoup dégradée au Gabon, conclut Marley, assis devant son "nkama" en bois." Mais on se bat!", lance-t-il d'un regard déterminé, avant de mettre ses lunettes de soleil pour aller faire un tour dans son "mapane".
Avec AFP