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Les déséquilibrés, cibles de choix pour la propagande de l'EI


Le président français François Hollande décore à titre posthume l'officier de police tué Xavier Jugelé abattu sur les Champs-Élysée, au siège de la police de Paris, France, 25 avril 2017.
Le président français François Hollande décore à titre posthume l'officier de police tué Xavier Jugelé abattu sur les Champs-Élysée, au siège de la police de Paris, France, 25 avril 2017.

La propagande du groupe Etat islamique (EI) peut pousser des déséquilibrés ou malades mentaux à passer à l'action violente au nom du jihad, parce qu'ils y trouvent une justification à leurs actes, expliquent des experts.

Le cas de l'assassin du policier français Xavier Jugelé, abattu sur les Champs-Élysées à Paris le 20 avril, ou celui du tueur de la promenade des Anglais à Nice (sud) le 14 juillet, par exemple, relèvent davantage de la névrose, de la maladie mentale ou de la fuite en avant mortifère que du véritable terrorisme islamiste, ajoutent-ils.

"C'est ce que j'appelle le jihadisme métaphorique", explique à l'AFP Farhad Khosrokhavar, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). "Quelqu'un qui a une vie de délinquant, qui en a marre de vivre, qui a une obsession. Ça peut être contre la police, comme le tueur des Champs Élysées".

"Il voulait surtout s'en prendre à des policiers. S'il l'avait fait sans se réclamer de Daech (acronyme arabe de l'EI, ndlr), ça aurait été un fait divers dramatique, mais un fait divers. Glisser un papier avec écrit Daech dans sa poche lui a donné une visibilité qu'il n'aurait jamais eu autrement", ajoute-t-il.

En mai 2016, un Allemand de 27 ans avait agressé quatre personnes à coups de couteau près de Munich, en tuant une, aux cris de "Allah akbar!". Après interrogatoire, les autorités n'ont pas établi de motivation jihadiste et assuré qu'il s'agissait d'un "déséquilibré".

"J'ai dit plusieurs fois que le massacre de Nice, par exemple, ne relevait pas du jihadisme, que son auteur avait des problèmes mentaux énormes, mais personne ne vous écoute. Il y a des moments où les sociétés sont aveuglées. Et elles font du coup le jeu de Daech. C'est un jeu de dupes que tout le monde joue, en toute sincérité", poursuit-il.

- 'Habillage pseudo-religieux' -

Pour l'expert-psychiatre Daniel Zagury, "nombreux sont ceux qui ont un passé délinquant, une personnalité mal structurée, des antécédents de toxicomanie, un parcours instable ou chaotique et une inculture religieuse, dans une première vie. Dans une seconde vie, ils apaisent leurs déchirements et sortent de l'errance en se moulant dans un système totalitaire qui annihile toute pensée autonome mais qui donne un sens à leur présent et à leur mort à venir".

"Au maximum, la recherche du martyr donne au dernier moment un alibi et un habillage pseudo-religieux à leur fuite en avant mortifère", précise à l'AFP Daniel Zagury, qui a expertisé plusieurs jihadistes lors de leurs procès. "Daech a déversé sur le monde des modèles d'inconduite dont peut se saisir toute une gamme très diversifiée de personnalités fragiles. Mais parmi eux les malades mentaux vraiment irresponsables sont très minoritaires."

Farhad Khosrokhavar évoque également le cas d'Andreas Lubitz, le pilote qui a précipité son avion de la Germanwings contre une montagne des Alpes françaises dans une pulsion suicidaire, tuant 149 personnes. "Imaginez ce que cela aurait été s'il s'était converti à l'islam et s'était réclamé de Daech dans un testament: sa visibilité aurait été encore plus importante", dit-il.

Le psychologue universitaire Patrick Amoyel, qui travaille sur les phénomènes de radicalisation, souligne que l'EI a compris le profit qu'il pouvait tirer de ses appels incessants au passage à l'action contre "les mécréants".

"Ils savent que plus ils occupent l'espace médiatique, plus ils vont avoir d'écho soit dans des populations radicalisables soit dans des populations psychopathiques", confiait-il récemment à l'AFP. "Ils représentent l'anti-société, l'anti-Occident: cela peut canaliser une radicalité sociale sans passer forcément par une radicalisation politique et religieuse".

"Il y a ceux qui savent ce qu'ils font, qui font ça en toute connaissance de cause, et ce sont de vrais terroristes qui posent des actes rationnels", dit-il, "mais il y a aussi des gens qui ont des psycho-pathologies de passage à l'acte: les consignes de Daech peuvent les pousser à passer à l'action".

Avec AFP

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