Les démocrates ont remporté mardi une victoire parlementaire face à Donald Trump avec le rejet, à la chambre basse du Congrès, de l'"urgence nationale" décrétée par le président américain pour pouvoir construire son mur anti-immigration clandestine.
La Chambre des représentants, à majorité démocrate, a planté la première banderille. Le Sénat, contrôlé par les républicains, donnera-t-il l'estocade?
Cette perspective semble de plus en plus probable à mesure que des sénateurs républicains expriment leur malaise face à la déclaration d'"urgence nationale", et après le vote à la Chambre, mardi, de plus d'une dizaine de républicains en faveur de la résolution démocrate.
Même si ce texte était finalement approuvé par les deux chambres du Congrès, il n'irait très probablement pas plus loin: Donald Trump a promis de le bloquer.
Si cette résolution arrivait sur le bureau du président pour qu'il la promulgue, "ses conseillers lui recommanderaient qu'il y mette son veto", a encore martelé la Maison Blanche mardi.
Les démocrates auraient alors peu de chances d'outrepasser ce veto, puisqu'ils restent loin de la majorité des deux-tiers nécessaires au Congrès.
Reste que cette perspective marquerait un coup dur pour le président républicain, qui serait contraint d'utiliser le premier veto de sa présidence pour forcer le passage d'une de ses décisions les plus controversées.
Introduite par les démocrates, la résolution a été approuvée à la Chambre par 245 voix pour --dont 13 républicains-- face à 182 votes contre, tous du parti de Donald Trump.
En quelques lignes seulement, elle proclame que "l'urgence nationale déclarée par le président le 15 février 2019 (...) est par la présente annulée".
Toute la bataille va désormais se déplacer au Sénat.
Le texte doit arriver dans les prochains jours à la chambre haute, contrôlée par les républicains (53 sièges sur 100), où il n'a besoin que d'une majorité simple pour être adopté.
L'influent chef de la majorité républicaine, Mitch McConnell, a reconnu mardi l'incertitude planant dans son camp, alors que déjà trois sénateurs ont indiqué qu'ils voteraient certainement, ou très probablement, avec les démocrates.
Si les 47 démocrates votent en bloc, il ne manquera plus qu'une voix républicaine pour approuver le texte. Or, plusieurs autres sénateurs républicains, comme Marco Rubio et Mitt Romney, ont exprimé leur désaccord avec la déclaration d'"urgence nationale".
Toujours très populaire auprès de la base du parti républicain, Donald Trump, a mis en garde publiquement les "rebelles" potentiels, en les appelant, lundi, à ne pas "tomber dans le +piège+ des démocrates".
- Bataille judiciaire -
C'est pour honorer l'une de ses grandes promesses de campagne de 2016 que le président américain a décidé de contourner le Congrès, qui ne lui attribuait qu'un quart du budget réclamé pour son mur.
En décrétant une "urgence nationale", il compte débloquer des fonds fédéraux --notamment destinés au Pentagone-- et atteindre un budget total de huit milliards de dollars pour ériger ce mur le long de la frontière avec le Mexique. Objectif, selon Donald Trump: freiner l'immigration clandestine.
L'initiative a provoqué une immédiate levée de boucliers, dans l'opposition démocrate, mais aussi chez certains républicains qui y voient une atteinte grave aux prérogatives du Congrès, normalement responsable de l'attribution des fonds fédéraux.
Une féroce bataille judiciaire a en parallèle été lancée par 16 Etats américains, avec une plainte déposée devant un tribunal fédéral en Californie dès le 18 février. Elle pourrait remonter, à terme, jusqu'à la Cour suprême.
Outre la question des pouvoirs présidentiels, c'est celle de la réalité de la "crise" migratoire et de "l'urgence" à la frontière qui pourrait être déterminante.
Donald Trump lui-même, en décrétant la situation d'urgence contre une "invasion", avait déclaré: "Je n'avais pas besoin de le faire mais je préfère le faire beaucoup plus rapidement".
"Il n'y pas d'urgence, il le dit lui-même", a asséné mardi le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer.
Plusieurs présidents américains ont déjà eu recours à cette procédure, mais dans des circonstances bien particulières, comme le républicain George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001, le démocrate Barack Obama en pleine épidémie de grippe H1N1, ou pour décréter des sanctions économiques.
Avec AFP