"Quand on courait pour venir ici, on entendait les balles siffler et des gens tombaient", témoigne Modou Badjie, accompagné de ses trois épouses, ses enfants et sa famille élargie.
Ils ont dû abandonner leurs champs et traverser la forêt dans la nuit, après la reprise de combats entre l'armée sénégalaise et les séparatistes.
"Nous avons fui à cause de la guerre. J'entendais régulièrement des coups de feu. C'étaient les militaires et les rebelles qui se battaient. C'est vrai qu'on ne pouvait pas les voir mais on entendait les tirs. Ce n'était pas sûr de rester dans cet environnement ”, explique-t-il.
La douzaine de personnes qui constituent la famille de Modou Badjie ont emménagé dans une famille d'environ 15 personnes. Femmes et enfants dorment ensemble sous le toit en tôle ondulée de leur nouvelle maison en ciment sur des matelas posés à même le sol. Une situation qu’ils jugent très inconfortable et leur fait regretter leur Sénégal natal.
“À la maison, chacun avait sa chambre et on pouvait dormir paisiblement à l'intérieur. Maintenant, regardez-nous, nous dormons par terre. Les gens qui nous ont accueillis dorment avec nous. Ils n'ont aucune intimité à cause de nous. Le gouvernement gambien nous a aidés en construisant les tentes que vous pouvez voir là-bas, mais il fait très chaud à l’intérieur”, relate M. Badjie, nostalgique.
La situation des hommes est tout aussi peu enviable que celle des femmes et des enfants. Ils sont logés dans des tentes en bâches vertes offertes par la Croix-Rouge gambienne.
"Avez-vous vu cette bâche, ce sont les gens qui nous ont aidés à la monter. Le soir, si le vent souffle très fort, il l'emporte. Et on se lève la nuit pour la réparer. Ce qu'on aimerait, c'est pouvoir rentrer chez nous et que les soldats rentrent aussi chez eux. Et que chacun rentre chez soi”, réagit Modou Badjie.
Suleyman Sonko, l'hôte de Badjie, affirme que l'aide humanitaire est lente et rare et il en souffre. La situation est aussi préjudiciable pour les enfants dont la scolarité est interrompue.
"Beaucoup d'enfants ont arrêté d'aller à l'école depuis qu'ils ont fui leur village... Ça me fait mal”, confie Suleyman Sonko, compatissant et inquiet.
Cette situation inquiète également Abdoulye Fye, directeur des programmes et des opérations à la Croix-Rouge gambienne, qui recommande la prudence dans les zones de conflit en Casamance.
"Nous ne savons pas vraiment quelle est la situation dans la région de la Casamance. Des combats peuvent éclater à tout moment”, avance l'agent humanitaire.
Formé en 1982, le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC, les séparatistes qui revendiquent l'indépendance de cette partie sud du Sénégal) est en grande partie inactif depuis un cessez-le-feu en 2014. Mais il continue de lancer des attaques occasionnelles, provoquant des interventions militaires.
Les derniers affrontements ont causé le déplacement plus de 6 000 villageois au Sénégal et en Gambie, où des ménages ont accueilli des réfugiés, exerçant une pression sur ce pays voisin d'environ 2 millions d'habitants.