Il a abandonné sa famille pour se rendre au Kenya voisin, dans le camp de Dadaab, l'un des plus grands et plus anciens camps de réfugiés au monde, une ville en soi administrée par l'ONU et des dizaines d'organisations humanitaires.
"Là-bas, j'ai reçu une éducation gratuite", raconte à l'AFP le jeune homme, rentré depuis peu en Somalie, à Baidoa (sud).
En août dernier, six ans après son arrivée à Dadaab, Aden, 21 ans, a profité d'une offre de retour proposée aux réfugiés somaliens lorsque le gouvernement kényan a annoncé vouloir fermer le camp.
Il dit avoir reçu 400 dollars (355 euros) et s'être vu promettre un hébergement, l'accès aux soins de santé et à la scolarité, les mêmes avantages dont il jouissait à Dadaab.
Mais les organisations de défense des droits de l'homme ont dénoncé un retour forcé dans une zone de guerre où aucun de ces services n'est accessible.
Au final, Aden n'a reçu que l'argent. Il ne cache pas son extrême déception de ne pas avoir pu achever ses études secondaires.
Lors des 18 derniers mois, plus de 50.000 réfugiés ont quitté Dadaab pour rentrer en Somalie, un pays devenu le synonyme d'Etat "failli" depuis la chute en 1991 de l'autocrate Siad Barre.
Ce chaos sur lequel ont prospéré milices claniques, bandes criminelles et groupes islamistes a brisé le système d'éducation nationale, que les gouvernements successifs se sont révélés incapables de reconstruire.
Les seules écoles en dehors des grandes villes sont des madrassas islamiques et celles qui fonctionnent manquent d'enseignants correctement formés et d'un programme commun.
Un système scolaire anarchique
Les seules écoles en dehors des grandes villes sont des madrassas islamiques et celles qui fonctionnent manquent d'enseignants correctement formés et d'un programme commun.
Patrick Mbugua, chercheur spécialisé sur la Somalie pour Amnesty International, tout juste rentré d'une mission à Baidoa, explique à l'AFP que la majorité des anciens réfugiés de retour auxquels il a parlé assurent que les enfants ne sont pas scolarisés.
Et ceux qui le sont ont découvert un système scolaire anarchique.
Des 29 écoles de Baidoa, certaines sont privées et suivent les programmes éthiopien, kényan, ougandais ou même qatarien. Les établissements publics s'appuient eux sur le programme somalien, inchangé depuis plus de 20 ans.
Par contraste, toutes les écoles de Dadaab suivent le programme moderne kényan.
Madina Abdinoor Osman a sept enfants. Cinq étaient scolarisés quand ils vivaient au Kenya. Mais depuis leur retour en Somalie, en janvier, aucun n'est allé en classe.
"Il faut que nos enfants reçoivent une éducation", dit-elle. "Une personne qui apprend et une qui n'apprend pas ne sont pas dans la même catégorie."
Une nouvelle offre "améliorée" de retour comprend une aide financière pour que certains enfants, mais pas tous, d'une famille de réfugiés puissent aller à l'école. Mais elle ne couvre l'éducation que pour neuf mois. Ensuite, les parents sont livrés à eux-mêmes.
"Je suis très inquiet", avoue Hadija Issak Ali. Deux de ses cinq enfants sont maintenant scolarisés, mais son époux est âgé et elle n'est pas sûre qu'elle pourra continuer à payer les frais de scolarité.
"Notre avenir dépend de l'éducation de nos enfants", souligne-t-elle pourtant.
Des proies aisées
Le manque de coordination entre l'État central somalien et les États fédérés est aussi source de confusion.
Sadad Mohamed Nur, un haut responsable éducatif de l'État du Sud-ouest, dont Baidoa est la capitale, affirme que son ministère est "prêt à soutenir" l'éducation mais reproche à Mogadiscio de ne pas le doter des fonds nécessaires.
"C'est un problème très grave", estime Abdullahi Abdirahman Ali, directeur de la Rural Education and Agriculture Development Organization (READO), une association caritative locale.
Pour M. Ali, la préoccupation majeure est que les enfants sans éducation sont des proies aisées pour les recruteurs shebab, les insurgés islamistes affiliés à Al-Qaïda qui veulent renverser le pouvoir central et sont très influents dans le sud du pays.
"A des gamins de 18 ou 20 ans qui n'ont pas reçu d'éducation, ces gars leur disent: 'Vas-tu nous rejoindre?', et ils répondent :'Oui'. C'est facile", dit-il.
Il s'inquiète aussi que sans éducation, les jeunes décident d'aller bâtir leur avenir ailleurs et se lancent sur la voie dangereuse de l'émigration vers l'Europe.
Les Somaliens figurent fréquemment parmi les victimes des bateaux naufragés en Méditerranée. En 2015, environ 21.000 Somaliens ont sollicité la citoyenneté européenne, en majorité des jeunes hommes.
Deux amis d'Aden Hussein âgés d'un peu plus de 20 ans, Ali Hassan Mohamed et Hassan Aden Mohamed, sont aussi allés à l'école à Dadaab et ont connu la même désillusion à leur retour en Somalie.
Hassan Mohamed assure que les responsables du HCR lui avaient promis qu'il serait en mesure de poursuivre ses études en Somalie. Mais "nous n'avons aucune école", regrette-t-il, affirmant qu'il n'aurait pas quitté Dadaab s'il avait su.
Et Aden Hussein d'avouer: "Je suis venu de Dadaab, mais maintenant je veux y retourner".
Avec AFP