Alors que le dirigeant avait mis tout son poids derrière le sénateur sortant Luther Strange, soutenu par les caciques du parti, les républicains lui ont préféré le magistrat ultra-conservateur controversé Roy Moore, selon les estimations des médias américains.
Sur la moitié des bureaux de vote, il obtenait environ 57% des voix.
Paradoxe de ce scrutin, des figures du "trumpisme" soutenaient le juge Moore, à commencer par Steve Bannon, ex-conseiller du président évincé en août de la Maison Blanche, et qui s'est donné comme mission de sauver le trumpisme originel d'un dévoiement par les républicains traditionnels.
Le milliardaire, qui se targuait jusqu'à présent d'avoir fait remporter plusieurs élections législatives partielles, se retrouve dans la position redoutée d'avoir parié sur un "loser".
Le scrutin illustre aussi la menace posée par une frange du monde conservateur, en guerre ouverte avec l'establishment du parti républicain.
Steve Bannon, en particulier, a déclaré comme ennemi le chef de la majorité sénatoriale, Mitch McConnell, sans qui le programme de Donald Trump n'a aucune chance de progresser. Les "ultras" comme Steve Bannon lui reprochent sa proximité avec les lobbys et les "élites" politico-économiques, et plus généralement de vouloir modérer les idées du locataire de la Maison Blanche.
Anticipant peut-être ce revers, Donald Trump s'était demandé à haute voix s'il avait fait le bon choix.
"J'ai peut-être fait une erreur, pour être honnête", a-t-il déclaré vendredi dernier, alors qu'il était venu exprès de Washington pour un meeting de soutien. "Si Luther ne gagne pas (...) ils vont dire que le président des Etats-Unis n'a pas été capable de faire gagner son candidat. C'est terrible pour Trump, très gênant", a-t-il dit, imaginant les commentaires désobligeants qu'on lui adresserait.
Mais il avait ajouté: "Si son adversaire gagne, je ferai campagne pour lui comme jamais".
Message de Bannon aux "élites"
L'affrontement était moins une bataille idéologique que de personnalités. Aucun candidat ne correspond au profil trumpiste typique, bien que chacun ait assuré vouloir défendre le président.
Luther Strange, nommé en février par le gouverneur en raison de la vacance du siège, est un conservateur classique, lobbyiste devenu homme politique, et qui avait promis sa loyauté au milliardaire, qui désespère de voir ses réformes embourbées au Congrès.
Roy Moore a bâti sa réputation en défiant les autorités sur la place de la religion dans l'espace public... un thème qui ne fait pas partie du coeur du message du milliardaire new-yorkais.
Le juge Moore a autrefois installé une statue sur les dix commandements dans son tribunal. En tant que chef du pouvoir judiciaire de l'Alabama, il s'est fait sanctionner par ses pairs pour avoir refusé une décision de justice sur la légalisation du mariage gay.
Lundi, en meeting, coiffé d'un chapeau de cow-boy, il a sorti son revolver de sa poche pour prouver à son auditoire qu'il était un fervent défenseur du droit au port d'armes.
Il sera probablement "une ancre autour du cou du parti pour les prochaines années", avait jugé Luther Strange dans une interview au Washington Examiner, en le reléguant au rang des candidats extrémistes et incontrôlables.
Roy Moore, lui, martèle que Luther Strange n'était que la marionnette du parti.
Pour Steve Bannon et ses alliés, la victoire de Roy Moore est une démonstration de leur pouvoir de nuisance face au parti républicain, et un avertissement avant les primaires du printemps prochain, en vue des législatives de novembre 2018.
"C'est votre chance de dire aux élites qui gèrent ce pays ce que vous pensez d'elles", a lancé Steve Bannon, actuel patron du site Breitbart, lors d'un meeting.
Désormais investi, Roy Moore affrontera le 12 décembre le candidat démocrate Doug Jones. Dans cet Etat très conservateur, il part favori pour devenir l'un des 100 sénateurs américains et succéder ainsi à Jeff Sessions, qui avait cédé son siège à Luther Strange après sa nomination comme ministre de la Justice.
Avec AFP