Une semaine après son arrivée surprise à Tripoli, le Premier ministre désigné du gouvernement d'union, Fayez al-Sarraj, semblait avoir engrangé un nouveau succès avec le ralliement des autorités parallèles de Tripoli, un pas important en vue de sortir le pays du chaos.
Mais le chef du gouvernement tripolitain, Khalifa Ghweil, a annoncé mercredi qu'il refusait de partir, dans un communiqué qu'il a lui-même signé et publié sur le site de son gouvernement. Il a appelé ses ministres à ne pas quitter leurs postes, menaçant de "poursuites quiconque travaillerait avec le Conseil présidentiel" du gouvernement Sarraj.
Un communiqué portant le sceau du "Gouvernement de salut national" annonçait pourtant mardi soir, sur le site du ministère de la Justice, que le gouvernement de Tripoli cessait d'exercer les "fonctions exécutives, présidentielles et ministérielles".
Le gouvernement d'union et l'ONU n'avaient pas réagi dans l'immédiat à l'annonce de M. Ghweil.
C'est dans ce contexte très confus que l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, Martin Kobler, doit rendre compte jeudi de sa mission sur l'installation d'un gouvernement d'union nationale auprès du Conseil de sécurité, à New York.
Il avait mardi soir salué le ralliement du "gouvernement" de Tripoli comme une "bonne nouvelle", tout en ajoutant que "les actes devront suivre les paroles".
L'ONU et les grandes puissances comptent sur M. Sarraj pour stabiliser le pays riche en pétrole - il dispose des plus importantes réserves d'Afrique -, livré aux milices depuis la chute du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011 et confronté à la montée en puissance du groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Plombé par les divisions, le "gouvernement" Ghweil expliquait mardi soir qu'il cédait le pouvoir pour "mettre fin à l'effusion de sang et éviter la partition" du pays.
A Tripoli, un optimisme fragile semblait pointer son nez chez des habitants lassés du chaos et plusieurs pays envisagent d'y rouvrir des ambassades.
"Il y a beaucoup de défis à relever et maintenant le vrai travail commence", a déclaré à l'AFP Moussa el-Koni, un des vice-Premiers ministres du gouvernement d'union.
Les cordons de la bourse
Le gouvernement d'union a ordonné à toutes les institutions et tous les ministères d'utiliser son logo.
Outre cette mesure symbolique, il leur a surtout intimé l'ordre d'obtenir son feu vert pour effectuer toute dépense. Il compte pour cela sur la Banque centrale, qui lui a formellement apporté son soutien. Celle-ci tient les cordons de la bourse depuis des années, alimentant les autorités rivales.
Elle gèlera désormais les comptes des ministères et institutions publiques, qui seront contraints d'avoir l'approbation en amont du gouvernement d'union.
Ce dernier va donc disposer d'un puissant moyen de pression, car il pourra "octroyer ou arrêter des financements qui profitaient jusqu'à présent aussi bien aux deux gouvernements qu'aux diverses milices", explique Arturo Varvelli, spécialiste de la Libye à l'Institut pour les études de politique internationale (ISPI) de Milan (Italie).
Les autorités rivales basées dans l'Est gardent toujours le silence depuis l'arrivée surprise du gouvernement d'union à Tripoli.
Comme l'a rappelé l'émissaire de l'ONU, le Parlement de l'Est est la seule institution légitime qui peut adouber officiellement le gouvernement d'union, sur la base de l'accord interlibyen signé au Maroc en décembre 2015. En vertu de cet accord, ce Parlement deviendra ensuite l'instance législative officielle.
Le gouvernement d'union s'était autoproclamé le 12 mars sur la base d'un communiqué d'une centaine de parlementaires (sur 198) de Tobrouk (est), mais un vote consacrerait sa légalisation.
M. Kobler a demandé mercredi à toutes les institutions libyennes de "respecter leurs compétences" prévues dans l'accord.
L'ex-Parlement des autorités de Tripoli, qui devient le Conseil d'Etat selon cet accord, s'est réuni mercredi sous sa nouvelle appellation.
Il s'agit d'"un pas important", a souligné l'émissaire de l'ONU, qui ne cesse de souligner que le temps presse pour remettre la Libye sur les rails afin de lutter contre l'expansion de l'EI.
Avec AFP