Le jeune chef de l'Etat français achève ainsi un marathon diplomatique qui l'avait conduit jeudi au sommet de l'Otan de Bruxelles puis, en fin de semaine, au G7 de Taormina (Italie), épreuve du feu symbolisée par une poignée de main virile avec le président américain.
"Donald Trump, le président turc (Recep Tayyip Erdogan) ou le président russe sont dans une logique de rapport de forces, ce qui ne me dérange pas", a confié Emmanuel Macron au Journal du Dimanche.
S'il ne croit pas à "l'invective publique", M. Macron, 39 ans, entend ne rien "laisser rien passer" dans ses conversations avec les grands de ce monde. Il promet ainsi un "dialogue exigeant", "sans aucune concession", avec son homologue russe, qui entretient ces dernières années des rapports tendus avec les Occidentaux.
Au menu de leur rencontre lundi: les relations franco-russes, leurs visions respectives de l'avenir de l'Union européenne, la lutte antiterroriste et les crises régionales, l'Ukraine et la Syrie, mais aussi la Corée du Nord et la Libye.
Les deux dirigeants se retrouveront d'abord en tête-à-tête à la mi-journée. Puis ils déjeuneront, entourés de leurs délégations, tiendront une conférence de presse conjointe et inaugureront l'exposition qui sert de prétexte à cette rencontre.
"Pierre le Grand, un tsar en France", ressuscitera la mémoire de la visite de Pierre Ier, figure chère à Vladimir Poutine, à Versailles en mai et juin 1717, événement qui impulsa les relations diplomatiques entre la France et la Russie.
Vladimir Poutine se rendra aussi, mais seul, au nouveau Centre spirituel et culturel orthodoxe russe, avec sa cathédrale à bulbes dorés érigée au coeur de Paris.
Il aurait dû l'inaugurer en octobre 2016 mais l'escalade verbale entre Paris et Moscou provoquée par la campagne militaire du régime syrien et de son allié russe contre la partie rebelle d'Alep (nord de la Syrie) l'avait conduit à renoncer à ce déplacement.
Pour Emmanuel Macron, il est nécessaire de "parler avec la Russie" de la crise syrienne afin de "changer le cadre de sortie de la crise militaire" et de "construire de manière beaucoup plus collective une solution politique inclusive".
- Piratage informatique -
Le président français estime que la mise à l'écart des Occidentaux sur ce dossier, au profit d'un processus de cessez-le feu parrainé par la Russie, l'Iran et la Turquie, signait leur "défaite".
De le même manière, il compte discuter pied à pied du dossier ukrainien. "La Russie a envahi l'Ukraine", a-t-il même lancé à l'issue du G7 alors que Moscou dément toute implication dans le conflit.
Pour nouer une relation personnelle, chacun devra faire un pas vers l'autre. Emmanuel Macron avait affirmé, lors de sa campagne, ne "pas faire partie de ceux qui sont fascinés par Vladimir Poutine", dont il disait ne pas partager les "valeurs".
Dans son message de félicitations à son jeune homologue français après son élection, Vladimir Poutine l'avait exhorté à "surmonter la méfiance mutuelle".
Les deux chefs d'Etat tenteront d'arrondir les angles après la campagne présidentielle française marquée par l'accueil au Kremlin de la candidate d'extrême droite Marine Le Pen et les piratages informatiques dont fut victime le mouvement politique d'Emmanuel Macron, En Marche !, attribués à des hackers russes.
Pour Thomas Gomart, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI), Poutine entend "corriger l'image très négative qu'il a laissée pendant la campagne présidentielle, en recevant Marine Le Pen notamment".
Du côté de l'Elysée, il s'agit selon lui, de rappeler que "la priorité française, c'est l'Allemagne et le projet européen, alors que Moscou avait parié sur le délitement de l'Europe".
A Moscou, Fiodor Loukianov, président du Conseil pour la politique extérieure et de défense, estime pour sa part "évident que la partie russe cherche à faire sortir la situation de l'impasse".
Pour autant, tempère-t-il, "il ne faut rien attendre de cette visite; il s'agit pour les deux dirigeants de faire connaissance et de créer une ambiance positive... ou pas".
Avec AFP