Peter Mutharika, au pouvoir depuis 2014, a été réélu l'an dernier avec 38,57% des suffrages, selon les résultats de la Commission électorale, devant le principal représentant de l'opposition, Lazarus Chakwera (35,41%).
Seulement 159.000 voix séparent les deux hommes.
Lazarus Chakwera et un autre candidat malheureux de l'opposition, Saulos Chilima, arrivé troisième, ont immédiatement dénoncé des fraudes, dont un nombre, à leurs yeux anormalement élevé, de procès-verbaux de dépouillement raturés avec du blanc à effacer.
Ils ont saisi la Cour constitutionnelle pour obtenir un recours en annulation de la présidentielle, alors que le camp du vainqueur a nié toute fraude.
Le chef des observateurs de l'Union européenne, Mark Stephens, a cependant souligné, peu après le scrutin, que "beaucoup d'erreurs avaient été commises pendant le décompte".
Après plusieurs mois d'audiences très suivies par la population, la Cour constitutionnelle doit valider ou invalider lundi les résultats de l'élection. Si elle donne raison à l'opposition, un scrutin devra être organisé dans les soixante jours.
Mais les deux parties ont la possibilité de faire appel, ce qui repousserait l'éventualité de nouvelles élections.
Le Malawi attend avec fébrilité le jugement d'autant plus que ce petit pays d'Afrique australe a connu ces derniers mois de nombreuses manifestations de l'opposition, émaillées de violences avec les forces de sécurité.
Ces dernières sont mobilisées lundi pour éviter tout dérapage, notamment à proximité de la Cour constitutionnelle à Lilongwe.
- Appels au calme -
Par crainte d'incidents, des établissements scolaires et des entreprises ont décidé de rester portes closes.
Dans ce contexte tendu, le gouvernement, l'opposition et la communauté internationale ont appelé au calme.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a exhorté la population du Malawi à "continuer de maintenir l'état de droit et de promouvoir la paix, l'unité et la stabilité".
La "destruction du pays" serait "contreproductive", a mis en garde le porte-parole du gouvernement du Malawi, Mark Botomani.
L'opposant Saulos Chilima a de son côté appelé "le vaincu à accepter sa défaite avec humilité".
La Coalition des défenseurs des droits de l'Homme (HRDC), à l'origine des manifestations de ces derniers mois, s'est jointe à ces appels, estimant qu'on "ne pouvait pas autoriser ceux qui vont se sentir floués à semer la pagaille".
"Il est important qu'en tant que pays nous prenions du recul (...). Nous affirmons que les élections et la démocratie ne seront plus les mêmes au Malawi. Nous considérons l'affaire comme un tournant essentiel" en vue d'une réforme électorale, a déclaré le patron de la HRDC, Timothy Mtambo, lors d'une conférence de presse samedi à Lilongwe.
Le jugement de la Cour constitue un "moment clé de l'histoire du Malawi", ont également souligné l'Union européenne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis dans un communiqué conjoint.
Les invalidations d'élection sont rarissimes en Afrique.
En 2017, au Kenya, la Cour suprême avait invalidé pour "irrégularités" la réélection du président Uhuru Kenyatta et ordonné l'organisation d'un nouveau scrutin dans les deux mois, une première sur le continent.
Les Malawites ne s'y sont pas trompés. Pendant des mois, ils ont suivi attentivement les audiences de la Cour constitutionnelle, retransmises pour la première fois en direct et en intégralité par les radios privées.
"Cette affaire a réveillé le Malawi", s'est réjoui Chatonda Jembe, un employé. Les partis "savent désormais qu'ils ne peuvent plus nous rouler dans la farine", a-t-il estimé.