"Il faut rejouer au gendarme et au voleur au nord de Kidal. On est en train de mettre beaucoup de pression dans le Nord", explique une source militaire française.
Les attaques visant la force de la mission de l'ONU au Mali (Minusma) et l'armée malienne se sont multipliées ces derniers mois dans la région de Kidal (extrême nord-est).
La Minusma est devenue la plus dangereuse des seize missions des Nations unies actuellement déployées, avec 27 Casques bleus tués en un an. Manquant de moyens blindés, de renseignement, les contingents restent trop cantonnés dans leurs camps et vulnérables.
L'armée française, davantage sur le terrain, a elle aussi déploré trois morts en avril.
Deux ans après la fin de l'opération Serval au Mali - Barkhane en a pris le relais en août 2014 sur cinq Etats du Sahel -, l'armée française estime toutefois que son intervention porte ses fruits et qu'il faut donner du temps au temps pour stabiliser définitivement le pays.
"Aucune crise ne se règle en moins de dix ans", souligne la source interrogée, en mettant aussi l'accent sur ses composantes politique et économique.
"On n'a pas perdu la main, on n'est pas débordé, il faut juste remettre ‘un coup de tondeuse quand le gazon repousse trop’", résume le militaire. En d'autres termes, "éviter la reconstitution d'un sanctuaire ou d'une zone de non contrôle".
Apprentis terroristes
Pour ce faire, la France n'a pas envoyé de renforts - Barkhane compte 3.500 hommes - mais redéployé des soldats de Gao (nord) vers la région située entre Kidal et la frontière algérienne.
Les jihadistes qui avaient pris le contrôle du nord du pays en ont été en grande partie chassés par l'opération Serval. Réduits à 200/400 combattants dans le Nord, contre 1.000 à 2.000 avant Serval, ils n'ont "plus de capacité à conduire des actions organisées, importantes", estime la source citée. Ils peuvent toutefois recruter des apprentis terroristes dans la population.
"Ils vont donner à un gamin 100.000 FCFA (150 euros) pour qu'il pose une mine sous les roues de la Minusma ou de Barkhane. Et si jamais l'engin saute, il a 200.000", raconte le chef de Barkhane, le général Patrick Brethous.
Si les jihadistes fuient désormais l'affrontement direct, ils gardent la capacité de frapper des cibles symboles, comme l'hôtel Byblos, près de Mopti en août 2015 (13 morts) ou le Radisson Blu de Bamako le 20 novembre (20 morts).
En 2015, Barkhane a "neutralisé" (tué ou arrêté) plus d'une centaine de jihadistes dans le nord du Mali, poursuit la source militaire citée.
Le chef du groupe Ansar Dine, Iyad Ag Ghali, s'est réfugié à la frontière algérienne, du côté de Boughessa ou Tinzawatène, selon cette source.
Belmokhtar en Libye
Quant à l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, "on a des éléments laissant penser qu'il est toujours en Libye", ajoute-t-on de même source.
Le regain actuel de violences s'exprime en partie par une concurrence entre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le groupe Etat islamiste, une sorte de course à l'allégeance.
La situation politique reste aussi instable à Kidal, malgré l'accord de paix signé en mai-juin 2015 par le gouvernement, les groupes armés qui le soutiennent et l'ex-rébellion à dominante touareg du Nord, ouvrant la porte à toutes les surenchères.
Plusieurs groupes ont intérêt à voir le désordre perdurer, note-t-on dans l'entourage du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, en s'agaçant notamment du "double jeu" du HCUA (Haut Conseil pour l'Unité de l'Azawad), signataire de l'accord de paix mais proche d'Ansar Dine.
Les jihadistes tentent aussi de prendre pied dans le centre du Mali, sous la houlette du Front de libération du Macina, allié d'Ansar Dine.
Pour l'instant, ce sont "50 à 100 mecs avec des motos qui finissent (par se faire exploser) sur des postes de l'armée malienne", estime le responsable militaire.
Face à tous ces groupes, la stratégie n'est pas d'éradiquer - "on n'éradique pas des idéologies avec des bombes" - ou de gagner la guerre mais d'"amener l'adversaire à un niveau suffisant de faiblesse", décrypte-t-il.
Avec AFP