Candidat arrivé deuxième à l'élection présidentielle en 2018 face à Paul Biya, M. Kamto est poursuivi pour "insurrection", "hostilité contre la patrie" et "rébellion". Pour ces motifs, il risque théoriquement la peine de mort, même si elle n'est plus appliquée dans ce pays d'Afrique centrale. Plusieurs dizaines de ses alliés politiques et partisans comparaîtront en même temps que lui, risquant la même peine.
Avocat au barreau de Paris et ancien ministre délégué à la Justice au Cameroun, M. Kamto, 65 ans, avait été arrêté avec plus de 150 militants et partisans fin janvier à la suite d'une marche lancée par son parti, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC).
Ces manifestations pacifiques sont organisées par le MRC depuis la proclamation des résultats de la présidentielle d'octobre 2018, donnant Paul Biya vainqueur pour le septième scrutin consécutif. Une élection que le MRC qualifie de "hold-up électoral", estimant l'avoir remportée.
La procédure engagée a provoqué l'indignation de la communauté internationale. En mars, les Etats-Unis avaient déclaré qu'il serait "sage de libérer" M. Kamto et "encouragé" le pays "à garantir le droit à une procédure juste, à manifester pacifiquement et à la liberté d'expression". L'Union Européenne avait peu après dénoncé les arrestations et détentions prolongées des opposants, parlant de "procédure disproportionnée à leur encontre".
- "Pressions sur Biya" -
Des organisations internationales de défense des droits de l'homme avaient également exigé leur libération, Human Rights Watch dénonçant par exemple "une initiative politiquement motivée visant à juguler la dissidence".
Longtemps silencieuse, la France, ancienne puissance coloniale, était sortie de son mutisme fin mai, réclamant aussi leur libération. "On connaît les qualités de M. Kamto, nous faisons pression fortement sur le président Biya pour qu'il puisse agir et élargir ces prisonniers", a répété mardi le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian lors d'un entretien avec la presse.
A quelques jours de l'ouverture du procès, le chef du MRC et ses alliés se sont dits "prêts à faire face à la justice pour que la vérité éclate dans cette affaire". Dans cette correspondance adressée lundi à la présidente du tribunal militaire de Yaoundé, ils exigent un libre accès au public et à la presse de la salle d'audience durant toute la durée de leur procès.
"M. Kamto est gonflé à bloc", a affirmé mardi à l'AFP son porte-parole, Olivier Bibou Nissack.
Les avocats de l'opposant Kamto ont transmis au tribunal militaire une liste de 31 témoins, dont deux ministres, le patron de la police et d'autres hauts gradés de l'armée et de la police.
- "Décapiter" l'opposition -
Si les accusés estiment être victimes d'un procès "politique", accusant les autorités de vouloir "décapiter" le MRC, Yaoundé jure qu'il s'agit d'une affaire de droit commun.
Pour le ministre de l'Administration territoriale (Intérieur), Paul Atanga Nji, le parti est dans une "logique de provocation et de planification de l'insurrection". En avril, il avait accusé ce parti d'avoir "programmé et exécuté le saccage des ambassades du Cameroun à Paris et à Berlin par des groupuscules à sa solde", ce que le MRC dément.
Fin janvier, ces ambassades avaient été envahies par un mouvement de la diaspora hostile au régime de Yaoundé dénommé Brigade anti-sardinards (BAS). Ces saccages s'étaient produits le même jour que la marche du MRC à l'issue de laquelle M. Kamto et ses alliés avaient été arrêtés et vont être le "point focal" du procès, selon un analyste au centre d'analyse géopolitique International Crisis Group (ICG), qui a requis l'anonymat.
"Mais surtout, ce procès vise à affaiblir tout appétit de marches de protestation", ajoute-t-il.
Parmi les accusés qui comparaîtront au côté de M. Kamto, figurent un économiste, Christian Penda Ekoka, ex-conseiller économique du président Biya et un célèbre rappeur, Valséro, connu pour ses textes critiques à l'égard du régime de Yaoundé.
En avril, les avocats de M. Kamto - ancien président la Commission de droit international de l'ONU - ont saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies.