Les experts et les Nations unies espèrent en effet que le jugement, qui doit être lu à 11H30 (09H30 GMT), "mettra fin à l'impunité" pour la destruction de biens culturels, alors que de nombreux sites sont régulièrement détruits en Irak ou en Syrie.
Le président français François Hollande avait annoncé la semaine dernière à New York la création d'un fonds mondial pour la sauvegarde du patrimoine menacé: "il s'agit de défendre notre histoire commune pour construire ensemble l'humanité", avait-il affirmé.
Des dunes du Sahara à celles de la mer du Nord, au pied desquelles se dresse la CPI, le Touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi est accusé de crime de guerre pour avoir "dirigé intentionnellement des attaques" contre neuf des mausolées de Tombouctou (nord du Mali) et contre la porte de la mosquée Sidi Yahia entre le 30 juin et le 11 juillet 2012.
Après avoir plaidé coupable à l'ouverture de son procès, cet homme aux petites lunettes avait demandé pardon à son peuple, assurant être "plein de remords et de regrets". Disant avoir été à l'époque "sous l'emprise" de groupes djihadistes, il avait appelé les musulmans du monde entier à résister "à ce genre d'actions".
Les habitants de Tombouctou affirment, eux, être prêts à pardonner à l'accusé mais espèrent que justice soit faite.
Il faut que ce procès "puisse signifier à tous qu'au même titre qu'on ne peut pas tuer impunément un être humain, on ne peut pas détruire impunément un sanctuaire du patrimoine mondial", a ainsi affirmé à l'AFP El-Boukhari Ben Essayouti, expert culturel ayant participé à la réhabilitation des sites.
Sanction exemplaire ?
La procureure affirme que l'accusé, né vers 1975, était un membre d'Ansar Dine, l'un des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012, avant d'être en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013 par la France.
En tant que chef de la Hisbah, la brigade islamique des moeurs, il aurait ordonné et participé aux attaques contre les mausolées, détruits à coups de pioche, de houe et de burin.
Cette brigade est accusée par des organisations des droits de l'Homme de s'être livrée à des crimes contre l'humanité, incluant des crimes de torture, des viols et la mise en esclavage sexuel de femmes de Tombouctou. Au début du procès, ces organisations ont regretté que les charges contre Al Madhi ne soient pas élargies pour inclure ces crimes.
Pour ses avocats, l'accusé est pourtant "un homme honnête" qui, à un moment donné, "s'est trompé". "C'est un homme qui voulait construire quelque chose de mieux", avait affirmé Jean-Louis Gilissen lors de sa plaidoirie.
L'accusation avait requis entre neuf et onze ans de détention, soit une peine reconnaissant à la fois la gravité du crime et la collaboration de l'accusé. La défense s'était engagée à ne pas interjeter appel si la peine décidée par les juges se trouve effectivement au sein de cette échelle.
Pour Lassana Cissé, le directeur national du Patrimoine du Mali, "le verdict est attendu avec impatience et avec beaucoup d'espoir dans le sens où cela doit être une sanction exemplaire".
Fondée à partir du Ve siècle par des tribus touaregs, tirant sa prospérité du commerce caravanier, la ville de Tombouctou est devenue un grand centre intellectuel de l'islam et a connu son apogée au XVe siècle.
Ce procès, le premier pour destruction de biens culturels, a vu une avalanche d'autres primières : premier accusé à reconnaître sa culpabilité, Ahmad Al Faqi Al Mahdi est le premier djihadiste présumé à être jugé à La Haye et le premier accusé dans le cadre du conflit malien.
Mais même si la liste des sites en danger ne cesse de s'allonger, d'autres poursuites ne seront pas évidentes. Ni l'Irak, ni la Syrie n'ont signé le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI. Sans décision de l'ONU, aucune enquête n'est possible.
Avec AFP