John Bercow a porté un coup fatal à cet agenda, en statuant lundi que la dirigeante conservatrice ne pouvait pas revenir au cours de la même session parlementaire devant les députés britanniques avec le même texte rejeté la semaine dernière.
Cette décision, basée sur une convention parlementaire vieille de quatre siècles selon M. Bercow, a surpris le gouvernement qui n'a pas caché sa colère devant cet obstacle dressé sur son chemin à dix jours de la date théorique du Brexit, le 29 mars.
"Nous traversons une crise constitutionnelle majeure", a estimé Robert Buckland, député conservateur et conseiller juridique au sein du gouvernement.
La presse conservatrice a elle cloué au pilori M. Bercow, un conservateur dont elle critique régulièrement l'indépendance d'esprit. "Acte de sabotage", a dénoncé le Daily Mail, "Destructeur de Brexit", a titré le Daily Express, "Bercow, on t'emmerde", a même osé le Sun.
- Long report -
Mme May entendait représenter au vote d'ici mercredi l'accord de divorce qu'elle avait conclu fin novembre avec l'UE, après de longues et tortueuses négociations. Dans la foulée, elle devait se rendre à Bruxelles pour réclamer un court report technique de la date du divorce.
Mais avec la décision de M. Bercow, et alors que le 29 mars se rapproche à grands pas, la Première ministre n'a d'autre choix que de réclamer une extension plus longue, estiment les médias britanniques.
Selon le Sun, Theresa May est en train de préparer une lettre à l'intention du président du Conseil européen (représentant les 28 Etas membres de l'UE) Donald Tusk pour lui demander formellement un report du Brexit de 12 mois.
Son ministre du Brexit Stephen Barclay a estimé que le vote sur l'accord, qui doit mettre fin en douceur à 46 ans d'appartenance au bloc européen, peut encore intervenir la semaine prochaine.
"La réalité, c'est que le meilleur moyen pour que le Brexit se réalise est de soutenir le plan de la Première ministre", a-t-il plaidé mardi matin sur BBC Radio 4.
- "Pas de discussion dans le vide" -
M. Bercow a cependant averti qu'il n'accepterait pas un texte qui ne serait pas "fondamentalement différent", laissant entendre que des changements devaient résulter de nouvelles discussions avec les dirigeants européens.
Le souci, c'est que Bruxelles ne veut pas renégocier, et répète que la proposition sur la table est "la meilleure et la seule disponible".
Alors que le temps presse, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré mardi vouloir "se battre jusqu'au bout avant la date butoir du 29 mars" pour obtenir "une sortie ordonnée", soulignant que les intérêts allemands, britanniques et européens étaient en jeu.
Selon des experts constitutionnels, si l'UE acceptait l'extension, cela pourrait constituer le changement suffisant réclamé par M. Bercow.
La semaine dernière, Donald Tusk avait invité les pays européens à soutenir un "long" report du Brexit, à condition que Londres change sa stratégie et dégage un consensus.
Lundi, un haut responsable européen avait affirmé que Londres pourrait demander en théorie un report du Brexit jusqu'au tout dernier moment, même "dans l'heure précédant" le divorce programmé à 23H00 GMT le 29 mars.
Mais si les Britanniques demandent une prolongation, "ils doivent soumettre une proposition concrète. Nous ne pouvons pas juste discuter dans le vide", a mis en garde le ministre allemand des Affaires européennes Michael Roth à son arrivée mardi à Bruxelles pour une réunion de préparation du sommet européen de jeudi et vendredi.
"Si les Britanniques veulent un report, ils doivent dire pourquoi. Nous attendons une initiative crédible. La prolongation n'est pas une solution, c'est une méthode", a pour sa part déclaré son homologue française Nathalie Loiseau.
Avant même la décision de M. Bercow, des doutes avaient commencé à surgir sur l'organisation d'un nouveau vote cette semaine en raison de l'incapacité de Mme May à rallier à son accord -- déjà rejeté à une écrasante majorité le 15 janvier et le 12 mars -- les députés les plus eurosceptiques.