Une ambiance morose a plané sur les 6.000 délégués de "Mining Indaba", le salon annuel des mines africaines qui s'est terminé jeudi au Cap, dans un contexte de ralentissement de la croissance chinoise et de chute des cours des matières premières.
"Si nous ne nous adaptons pas nous allons y rester", pronostique Mark Cutifani, directeur général d'Anglo American. "Les choses peuvent encore empirer avant de s'améliorer", ajoute-t-il alors que son entreprise projette de se délester de la moitié de ses 55 mines et de supprimer 85.000 emplois.
"Nous ne pouvons pas espérer une remontée des prix sous peu. 2016 s'annonce comme l'année la plus difficile depuis longtemps", souligne le responsable.
Comme beaucoup des délégués présents, investisseurs et hommes politiques, Mark Cutifani cherche quand même des signes d'éclaircie entre les nuages sombres apportés par le ralentissement du plus gros marché au monde, la Chine.
"Pékin est en train de faire sa transition, d'une croissance alimentée par la construction d'infrastructures à une économie portée par la consommation. La route est semée d'embûches mais c'est un super tanker qui ne va pas s'arrêter, même s'il va moins vite", espère-t-il.
Les mines attendent des Etats qu'ils garantissent les investissements et maintiennent un contexte politique stable, favorable au développement.
Mais sur un continent où beaucoup d'économies sont fondées sur le secteur minier, la crise rampante plombe aussi les gouvernements, habitués à puiser des revenus fiscaux plus importants dans la manne minière.
Ils appellent eux les entreprises minières à limiter les restructurations, qui se traduisent par de plus en plus de mineurs peu qualifiés mis sur la touche.
Confiance entamée
"Nous demandons aux mines de réinvestir dans un contexte difficile", admet le ministre sud-africain des Ressources minières, Mosebenzi Zwane, dans une interview à l'AFP.
Le ministre a voulu tirer parti de la conférence pour encourager les entreprises à travailler avec le gouvernement, afin d'éviter les pertes d'emplois qui pourraient se compter en dizaines de milliers dans un pays riche en ressources naturelles.
"Ne profitons pas de la situation pour aggraver la vie des gens", a-t-il martelé.
En Afrique du Sud, le chômage s'élève à 25%, un chiffre qui monte à près de 35% quand on inclut tous ceux qui ont renoncé à trouver du travail.
Mosebenzi Zwane s'est aussi plaint que les entreprises minières n'aient pas préparé les temps de disette pendant le boom économique.
Mais la chute des cours n'est pas seule responsable de la crise actuelle en Afrique. La confiance des investisseurs a été entamée par plusieurs facteurs: les grèves en Afrique du Sud, les coupures de courant et les débats sur la nécessité que la majorité des actionnaires soient des citoyens du pays, noirs.
Les gouvernements et les professionnels des mines bataillent depuis des années avec la question de la redistribution des richesses enfouies sur tout le continent, qui reste le plus pauvre au monde.
Qui peut exploiter les gisements ? Qui doit en bénéficier ? Un débat ravivé par la chute des prix des matières premières.
Alan Davies, directeur général de la section Diamants et minéraux de Rio Tinto, reste convaincu, malgré le contexte économique précaire, "que l'industrie de l'extraction en Afrique peut servir de catalyseur puissant à la transformation des économies et à la croissance sur le long terme."
Mais pas sans partenariats entre les entreprises et les Etats, développement des infrastructures et innovation, a-t-il ajouté devant les délégués.
Lors de ce salon, le ministre congolais des Mines, Martin Kabwelulu, a ainsi rassuré les professionnels du secteur en annonçant le maintien du Code minier actuel, après des mois de tensions entre gouvernement et entreprises autour d'un projet de révision du texte.
La République démocratique du Congo a toutefois affirmé vendredi que la révision était toujours à l'ordre du jour. Le gouvernement souhaite augmenter ses recettes afin de hâter le développement du pays mais selon les groupes miniers, la suppression envisagée d'avantages fiscaux dont ils bénéficient rendra le pays moins attirant pour les investisseurs.
AFP