Après un mois d'un sit-in motivé par des revendications sociales à El-Kamour, dans le sud désertique, un jeune manifestant a été tué lundi "accidentellement" par un véhicule de la Garde nationale (gendarmerie), selon les autorités.
La tension y était montée tout au long du week-end, les forces de l'ordre faisant usage lundi de gaz lacrymogène pour repousser des protestataires tentant d'entrer dans le complexe, une première depuis que le président Béji Caïd Essebsi a solennellement demandé le 10 mai aux militaires de protéger les sites de production du pays.
Selon un correspondant de l'AFP, aucun nouvel incident n'était à signaler mardi matin à El-Kamour, où certains manifestants se disent insatisfaits des propositions du gouvernement et continuent de réclamer une meilleure répartition des richesses et des recrutements prioritaires dans les sociétés pétrolières.
Un calme précaire prévalait aussi à Tataouine (500 km au de Tunis), préfecture située à deux heures de route d'El-Kamour, où des heurts violents avaient également éclaté la veille.
Au total, une cinquantaine de personnes ont été hospitalisées pour asphyxie au gaz lacrymogène ou fractures, selon le ministre de la Santé. Les autorités ont aussi rapporté qu'une vingtaine d'agents des forces de l'ordre avaient été touchés. A Tataouine, les postes de la police et de la gendarmerie ont été incendiés.
'Désobéissance civile'
Dans un pays secoué à plusieurs reprises par des troubles sociaux depuis la chute de la dictature en 2011, il s'agit des événements les plus sérieux depuis janvier 2016.
A l'époque, l'unique pays rescapé du Printemps arabe avait connu la plus importante contestation sociale depuis la révolution après la mort d'un jeune lors d'une manifestation pour l'emploi à Kasserine, une autre région défavorisée.
Les autorités ont par conséquent mis en garde contre un dérapage de la situation dans le sud.
"Il y a de l'incitation sur les réseaux sociaux (...), des appels à la désobéissance civile (...) et même au coup d'Etat dernièrement", a affirmé lundi soir le porte-parole de la Garde nationale, Khalifa Chibani, sur la radio Mosaïque FM.
Le ministre de l'emploi Imed Hammami, chargé des négociations sur le dossier de Tataouine, avait auparavant accusé -sans les nommer- "des candidats à la présidence et des partis en faillite" d'être derrière ces évènements.
Leur "agenda, c'est que la Tunisie ne se stabilise pas, qu'on ne fasse pas d'élections municipales (prévues en décembre), qu'on n'aille pas de l'avant", a-t-il asséné.
Selon Mosaïque FM, des heurts nocturnes ont eu lieu à Kébili, à 230 km au nord-ouest de Tataouine, durant un rassemblement de soutien.
Dans le bassin minier de Gafsa (centre), une centaine de personnes s'est rassemblée mardi matin, reprenant le slogan de Tataouine "on ne lâche rien", d'après un correspondant de l'AFP.
'Régime démocratique'
"La période par laquelle passe la Tunisie est délicate", a commenté Mohamed Ennaceur, le président du Parlement, où une session sera consacrée mardi à la situation.
Parmi les unes des médias, le quotidien La Presse a fait valoir que "les craintes étaient "grandes de voir la colère des manifestants se propager comme boule de neige".
Le gouvernement doit s'attaquer aux problèmes "qui font ressentir aux Tunisiens que rien n'a changé depuis le 14 janvier 2011. Sinon le pire est à craindre", a-t-il avancé.
A Tunis, où des manifestations ont eu lieu lundi, certains slogans de la révolution ont ressurgi, dans un contexte où le pouvoir est déjà vivement décrié pour un projet de loi d'amnistie -sous conditions- des faits de corruption.
Face à la colère croissante, le porte-parole du gouvernement Iyed Dahmani a rappelé mardi sur Shems FM que la Tunisie était "aujourd'hui un régime démocratique".
"Celui à qui la situation ne plaît pas, va voter et choisit les gens qui représentent son avis et ses idées. Dans toutes les démocraties, il n'y a pas d'autre solution: appliquer la loi et dialoguer avec les manifestants", a-t-il dit.
Avec AFP