Cette Ukrainienne de 34 ans aux yeux bleus a été reconnue coupable mardi par la justice russe d'avoir fourni à l'armée ukrainienne la position de deux journalistes de la télévision publique russe tués par un tir de mortier dans l'est séparatiste de l'Ukraine en juin 2014.
Connue pour son esprit frondeur, Nadia Savtchenko est restée fidèle à elle-même jusqu'au dernier jour de son procès, interrompant le juge en entonnant une chanson traditionnelle ukrainienne alors qu'il annonçait le verdict.
Elle a modifié quelque peu les paroles de la chanson: "Vous allez vous-même pourrir en taule", a-t-elle lancé à la cour, avant de lancer "Gloire à l'Ukraine".
Nadia Savtchenko a toujours rejeté les accusations de la justice russe, assurant avoir été capturée par des rebelles prorusses au moins une heure avant les faits, puis livrée à la Russie.
Son procès controversé lui a apporté une renommée mondiale et le soutien de Kiev, qui la considère comme une prisonnière politique, mais aussi des capitales européennes et de Washington, ainsi que de prix Nobel, notamment l'écrivain biélorusse Svetlana Alexievitch qui l'a qualifiée de "Jeanne d'Arc ukrainienne" et de "symbole du peuple ukrainien".
- Navigateur pour hélicoptère de combat -
Originaire de Kiev, Nadia Savtchenko obtient un diplôme de stylisme, puis étudie brièvement le journalisme avant que sa passion pour le ciel ne la conduise vers l'armée ukrainienne.
Pour entrer plus facilement à l'académie de l'armée de l'air, la jeune femme sert plusieurs années dans des unités militaires en Ukraine ainsi que dans le contingent de maintien de la paix en Irak en 2004.
En 2009 Nadia Savtchenko, qui rêve de piloter un avion de chasse, obtient un diplôme de navigateur aérien pour hélicoptère de combat Mi-24.
Alors qu'elle souhaite devenir parachutiste, un commandant de bataillon lui rétorque qu'il ne recrute pas de femmes avant de lui imposer de courir 15 kilomètres dans la neige avec un sac-à-dos de 15 kilos, selon un documentaire de 2011 que le ministère de la Défense lui a consacré.
En 2014, elle rejoint le mouvement pro-européen du Maïdan, qui débouche sur la chute en février 2014 du président ukrainien prorusse Viktor Ianoukovitch.
Quand la guerre éclate dans l'est de l'Ukraine, elle demande à être déployée sur place. Faute de réponse positive, elle part à la guerre sur ses "vacances", dit-elle. Pour certains, elle a simplement déserté pour rejoindre le bataillon Aïdar, une unité controversée, plus tard accusée de crimes de guerre par Amnesty International.
- Bras d'honneur à Moscou -
Le 17 juin 2014 à Lougansk, l'un des bastions rebelles, l'Ukrainienne dit s'être approchée de l'endroit où des rebelles venaient de frapper des véhicules blindés "pour voir s'il y avait des blessés". Elle affirme avoir été "enlevée" à ce moment-là. L'accusation a assuré pour sa part qu'elle a été arrêtée plusieurs jours plus tard en Russie, après avoir traversé d'elle-même la frontière.
Selon la défense de Nadia Savtchenko, elle se trouvait déjà aux mains des rebelles au moment de l'attaque au mortier et ne pouvait pas physiquement fournir la position des journalistes russes à l'artillerie.
La militaire est devenue célèbre lorsqu'une vidéo de son interrogatoire, mené par des rebelles, a été diffusée sur internet. Menottée, elle y explique fermement être venue sur le front pour "défendre l'Ukraine et son intégrité territoriale".
Sa popularité en Ukraine grandit au fur et à mesure de son procès. Elle n'hésite pas à porter un chemisier brodé de motifs ukrainiens et à défier le pouvoir russe, voire Vladimir Poutine personnellement, en qualifiant notamment la Russie de "pays du tiers-monde avec un régime totalitaire et un despote à sa tête".
Vers la fin de son procès, elle a sauté sur le banc des accusés et adressé un spectaculaire bras d'honneur à ses juges, avant d'entonner l'hymne ukrainien.
Elue symboliquement députée en Ukraine, elle a passé plus de 80 jours en grève de la faim de décembre 2014 à mars 2015. Début mars, elle a arrêté de se nourrir et de s'hydrater pendant sept jours prévenant Moscou: à vous de choisir si vous voulez me rendre "morte ou vivante".
Avec AFP