Une très grande majorité des Nigérians (86%) pense que la situation économique va s'améliorer dans les douze prochains mois, rapporte l'institut international de statistiques PEW Research - contre 92% l'an dernier, lorsque le pays était encore la première économie du continent devant l'Afrique du Sud..
La confiance dans l'avenir est encore plus forte lorsqu'il s'agit de sa propre fortune. "Plus de 93% des Nigérians pensent que leurs finances personnelles vont augmenter", examine PEW research, centre de recherche et de statistiques international.
Début janvier, Gallup International, autre institut de sondage, élisait le Nigeria, "le pays le plus optimiste au monde lorsqu'il s'agit de la prospérité économique". Depuis, le prix du pétrole s'est effondré, entraînant le pays dans la crise, mais rien ou presque n'érode la confiance en l'avenir.
"D'habitude, pendant une récession, les gens deviennent très pessimistes et déprimés", constate Bismark Rewane, économiste nigérian. Rien de surprenant dès lors que la Grèce soit, selon Gallup, le pays le plus pessimiste au monde (65% de sa population).
"Mais la passion de l'argent, cette passion de créer de la richesse pourrait aider le Nigeria à sortir plus rapidement de la crise", confie le directeur de Financial Derivatives Company à l'AFP.
Le matin revient toujours
Bimpe Gilbert, mère de famille de 27 ans, a installé une glacière sur un trottoir de Lagos. Maçons, chauffeurs de taxi ou étudiants viennent acheter quelques cigarettes à l'unité et des snacks, et discutent au milieu des pots d'échappement.
"Non, je ne suis pas relax! lance la jeune femme. Il y a un mois je vendais ce sachet de viande séchée à 520 nairas (1,5 euro). Maintenant, c'est 740 (2,20 euros). Donc j'en vends moins. Mais je sais que tout ira mieux demain. Dieu, ou même n'importe quel client, un jour, ils vont m'aider".
Et le gouvernement ? Les rires fusent. "Si tu crois que le gouvernement va t'aider, tu vas commencer à te plaindre", lâche Sunday Uloko, que tout le monde ici appelle 'Sunny' (Ensoleillé).
"Si je pense trop aux leaders, ça me fait mal à la tête. J'ai pas le temps. La vie ici, c'est la guerre, rien ne marche, il faut se battre avec la débrouille".
Sunny lave des voitures toute la journée. Et il en est sûr: "Après la nuit, le matin revient toujours".
Le Nigeria est profondément divisé entre trois groupes ethniques majoritaires, mais les 180 millions d'habitants partagent le même dicton - "igba ki lo dede" en Yoruba, "ahuhu adighi ano mgbe tere anyj" chez les Igbos et "bayan wuya sai dadi" en Hausa-: littéralement, "La souffrance n'est pas permanente".
'Suffering and Smiling'
Une conviction renforcée par la foi. Le Nigeria est un des pays les plus religieux au monde, les églises évangéliques fleurissent à chaque coin de rue, et à côté du stand de Mme Gilbert, les musulmans du quartier ont installé leurs tapis de prières.
"En Afrique en général, tant chez les chrétiens que chez les musulmans, Dieu prend soin de ses enfants et son rôle est d'aider à ta prospérité", explique Nimi Wariboko, professeur nigérian en éthique sociale à l'université de Boston.
"Être optimiste autorise à imaginer que tout est possible. Cela donne une chance au surnaturel de se produire", poursuit le théologien.
"Mais les Nigérians n'ont plus aucun espoir en leurs leaders. Il n'y a plus d'espoir pour la nation, pour les institutions. 'Mon' Dieu va m'aider 'moi' et ma famille. Nous avons tout privatisé au Nigeria, même l'optimisme".
Dans les rues de Lagos, mégalopole congestionnée de 20 millions d'habitants, les paroles de Fela Kuti, le roi de l'afrobeat, ne semblent pas avoir pris une ride.
Dans Suffering and Smiling (Souffrant et Souriant), album sorti en 1974, les Nigérians sont quarante assis dans un bus et quatre vingt-dix-neuf debout. Quand ils rentrent à la maison, plus d'eau. Lorsqu'ils vont se coucher, pas de lumière. Puis, ils s'endorment, souffrants mais souriants. Continuant à se battre et à prier, jusqu'à ce que le matin arrive.
Avec AFP