Ce musée, dont la construction avait démarré en octobre 2016, sera accessible gratuitement, à partir de jeudi midi, aux quelque 4,5 millions de personnes venues du monde entier qui prennent chaque année le ferry, depuis la pointe de Manhattan, pour aller voir de près la célèbre statue, l'un des monuments américains les plus visités.
Erigé à la pointe de Liberty Island, à quelques pas de la statue, ce bâtiment de 2.400 m2 aux grandes baies vitrées a été conçu pour résister aux inondations récurrentes attendues avec le changement climatique.
Entouré de verdure, il est couvert d'un grand toit-terrasse végétalisé, d'où le visiteur peut embrasser toute la baie de New York, comme "perché à l'avant d'un bateau", explique la chef de projet, Cameron Ringness.
A l'intérieur, le musée présente des objets et surtout des photos et films retraçant l'histoire du célébrissime monument, conçu par le sculpteur français Frédéric-Auguste Bartholdi et offert par la France aux Etats-Unis pour marquer le centenaire de leur indépendance en 1876: depuis sa construction jusqu'à sa transformation en icône de l'accueil des migrants et de la puissance américaine.
- "Pas la même chose pour tout le monde" -
Le visiteur pourra voir sur écran géant des films retraçant avec emphase l'histoire de "Lady Liberty"; la torche originale de Bartholdi dressée sur un piédestal (la torche que tient la statue est une copie depuis 1985); ou faire l'expérience multimédia la plus emblématique du musée en choisissant, parmi 60 possibilités, les valeurs qu'il associe à la Statue. De la religion à la citoyenneté, en passant par l'immigration ou la démocratie...
Car "la Statue ne représente pas la même chose pour tout le monde", souligne Stephen Briganti, président de la fondation qui gère le nouveau musée et celui de l'immigration, sur l'île voisine d'Ellis Island.
"Je crois que personne dans ce pays ne s'oppose à ce que représente la Statue de la Liberté. Mais comment chacun l'applique, c'est une autre histoire", dit-il.
"Nous voulions transmettre ce concept étonnant qu'est la liberté", mais aussi "faire comprendre que tout le monde en a une perception légèrement différente", souligne Edwin Schlossberg, président de la société ESA qui a conçu l'exposition.
Des différences qui sont allées crescendo depuis l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a fait de la lutte contre l'immigration illégale sa grande cause et a drastiquement réduit le nombre de réfugiés acceptés par les Etats-Unis.
La période actuelle, "irrationnelle", est "un bon moment pour ouvrir ce musée, pour parler d'immigration, parler de liberté, de respect pour les libertés", estime M. Schlossberg.
Témoin de la polarisation du débat, la Statue est devenue pour les démocrates un étendard contre la politique migratoire de Trump, et contre sa politique en général.
Lors du long "shutdown" qui paralysa de nombreuses administrations fédérales américaines en décembre 2018/janvier 2019 - conséquence du bras de fer budgétaire entre le président et les démocrates qui refusaient de financer un mur à la frontière mexicaine - l'Etat de New York, géré par les démocrates, paya lui-même les employés fédéraux de la Statue pour qu'elle reste accessible.
Et le 4 juillet 2018, pour la fête nationale américaine, une manifestante anti-Trump avait escaladé la statue pour dénoncer sa politique migratoire, poussant la police à évacuer de l'île des milliers de touristes.
- Discours très politiques -
Dans ce contexte, M. Briganti ne semble pas surpris que le président américain n'ait pas prévu de venir inaugurer le musée jeudi.
"On l'a invité mais il ne pouvait pas venir", dit-il simplement.
Seul son ministre de l'Intérieur, David Bernhardt, chargé notamment des parcs nationaux dont dépend Liberty Island, est attendu, aux côtés de personnalités démocrates comme le maire de New York, Bill de Blasio, qui envisage de briguer l'investiture démocrate pour défier Trump en 2020.
Les discours célébrant le musée s'annoncent très politiques, tant jeudi que mercredi soir, où se tiendra une soirée de gala pour les donateurs ayant apporté les 100 millions de dollars qu'a coûté ce projet.
Y participeront beaucoup de personnalités proches des démocrates, comme la star de la télévision Oprah Winfrey, l'ex-maire de New York Michael Bloomberg, le fondateur d'Amazon et propriétaire du Washington Post Jeff Bezos, ou encore Chelsea Clinton, fille de Bill et Hillary Clinton.