"Jusqu'où cela ira-t-il ?": le président américain Barack Obama a dénoncé mardi avec une virulence inédite les propos de Donald Trump sur les musulmans, mettant en garde contre un état d'esprit dangereux et appelant les dirigeants républicains au sursaut.
Dans la foulée de la fusillade d'Orlando, qui a fait 49 morts, le magnat de l'immobilier, candidat à la Maison Blanche, a notamment proposé de suspendre l'immigration en provenance de régions du monde "ayant un passé avéré de terrorisme", sans donner de précisions sur la portée exacte d'une telle initiative.
Jugeant que M. Obama n'était "pas assez dur, ou pas assez intelligent", le candidat a insinué -- en mettant en doute ses motivations -- qu'il avait d'éventuelles sympathies pour l'idéologie islamiste.
"Allons-nous commencer à traiter tous les musulmans américains différemment ? Allons-nous les soumettre à une surveillance particulière ? Allons-nous les discriminer en raison de leur foi ? Jusqu'où cela ira-t-il ?", a réagi M. Obama, dans une allocution passionnée, à l'issue d'une réunion avec les principaux membres de son équipe de sécurité, parmi lesquels le directeur du FBI James Comey.
"J'ai entendu ces suggestions durant la campagne. Les responsables républicains sont-il d'accord avec cela ?", a-t-il encore dit, sans jamais citer Donald Trump nommément, à moins de cinq mois de l'élection présidentielle du 8 novembre qui désignera son successeur.
Presque simultanément, la candidate démocrate Hillary Clinton prononçait, depuis Pittsburgh (Pennsylvanie), un discours à la tonalité très similaire: "Ce que dit Donald Trump est honteux", a-t-elle lancé, jugeant inadmissible de suggérer que "le président Obama est du côté de terroristes". "Les responsables républicains vont-ils tenir tête à leur candidat ?", s'est-elle interrogée.
Loin de provoquer l'union nationale, la fusillade d'Orlando, perpétrée au nom du groupe Etat islamique dans un bar gay d'Orlando, a creusé un peu plus le fossé qui sépare les deux candidats à la Maison Blanche.
Omar Mateen, 29 ans, a attaqué le Pulse, boîte de nuit très en vogue, dimanche au petit matin avec un fusil semi-automatique et une arme de poing avant d'être abattu par la police.
Dangereuses "approximations"
Comme il l'avait déjà fait lors des attentats de San Bernardino en décembre, M. Trump a mis ce massacre sur le compte du laxisme des autorités et de l'ouverture des frontières au nom de ce qu'il appelle le "politiquement correct".
A l'inverse, Hillary Clinton en a appelé à "l'esprit du 12 septembre", ce sentiment d'unité nationale ayant suivi les attentats de 2001. La candidate a taclé son adversaire, sans le nommer, en critiquant sa proposition de fermer les frontières aux musulmans ou de surveiller la communauté musulmane. Elle a souligné avec force que les Etats-Unis étaient le "pays du +nous+, pas du +moi+", une allusion évidente au milliardaire new-yorkais.
Dans la foulée de la fusillade sanglante d'Orlando, M. Trump a une nouvelle fois vivement critiqué le président pour son refus d'utiliser le terme d'"islam radical".
"En quoi utiliser cette formule permettrait d'obtenir des résultats ? Est-ce que cela rendrait le groupe EI moins déterminé à essayer de tuer des Américains ?", s'est interrogé M. Obama. "Appeler une menace par un nom différent ne la fait pas disparaître! C'est une distraction politique!".
"Nous voyons à quel point ce genre de mentalité et de raisonnement peut être dangereux", a-t-il encore dit.
"Nous voyons où cette rhétorique et ces approximations sur l'identité de ceux que nous combattons peut nous mener", évoquant "des propositions du probable candidat républicain à la présidence des Etats-Unis qui veut interdire à tous les musulmans de venir en Amérique".
"Cela donne aux musulmans américains le sentiment que leur gouvernement les trahit. Cela trahit les valeurs même de l'Amérique", a-t-il conclu.
Barack Obama, qui se rendra jeudi à Orlando pour rendre hommage aux victimes, a apporté mardi son soutien à la communauté homosexuelle dans son ensemble: "Je tiens à rappeler que vous n'êtes pas seuls".
Avec AFP